A la lecture de sa présentation, Bruno Karnel a tout pour intriguer. Peut-il en être autrement lorsque l'on cite comme influences Steven Wilson, Peter Gabriel, Hubert-Félix Thiefaine, quand on se réclame du rock nomade et qu’on a l'honneur d'être cité par le célèbre magazine anglais "Prog" ? La découverte de l'artiste se fait par l'intermédiaire de "Satellite 3 - Après Demain".
Passée cette présentation, il convient de prévenir que la première écoute de cet EP est quelque peu déstabilisante. En effet, les influences citées ont du mal à se retrouver dans ces cinq titres en raison de l'aspect assez minimaliste des compositions qui n'atteignent pas la même densité que celle de l'œuvre des artistes évoqués. Toutefois, il ne faut pas s'avouer vaincu. Et surtout, pour apprécier cette troisième partie, il est préférable d'écouter l’œuvre dans son ensemble afin de resituer cet EP dans son contexte, c'est-à-dire un nouvel épisode d'une épopée débutée en novembre dernier.
C'est sous cette perspective qu'évoquer les illustres noms introductifs trouve tout son sens. Il ne faut pas chercher et s'attendre à trouver une totale similitude dans la musique proposée. Le point commun est celui de la volonté d'essayer ou d'expérimenter des choses afin de nourrir un projet plus vaste et ambitieux. En effet, chaque partie de ce qui formera au final le "Théâtre d'Ombres" offre une facette différente des expérimentations musicales de l'artiste.
Citoyen du monde, grand voyageur et adepte des lectures de Jacques Lacarrière (écrivain aventurier du XXème siècle), Bruno offre un "Satellite 3" qui s'ancre dans un rock folk d'Amérique du Sud et propose une invitation au voyage. Le musicien est un témoin de son temps, conscient du péril écologique actuel. Sur la forme, il propose une pochette sombre et glauque avec une photo en noir et blanc de tuyaux déversant des immondices dans une rivière. Paradoxalement, sur le fond, à l'image de ce que représente la musique des Andes, 'Après Demain' qui ouvre cet EP est assez optimiste avec ce constat dans les paroles : le jour où tout sera détruit, la nature reprendra ses droits et finira par offrir de meilleurs lendemains.
Le fil rouge entre ces "satellites" est constitué par la chanson 'Olmèques' découpée en plusieurs parties dont chacune se retrouve sur un des EP précédents. Ici elle épouse le style andin déjà présent dans la précédente partie tout en l'accentuant. Si la mélodie semble assez identique au précédent titre, donnant une vague impression de répétition, la guitare électrique vient densifier l'ambiance en toute fin de morceau. Les paroles demeurent assez premier degré avec une recherche de poésie qui peut paraître légèrement candide, rappelant, avec mesure, Jelly Fiche qui aborde un peu les mêmes thèmes mystico-écologiques.
'Adour', qui a eu les honneurs du magazine 'Prog', accentue un peu plus cet aspect redondant. Cette composition instrumentale représente le revers de la médaille de ce style rock folk andin qui offre peu de possibilités de subtilités. L'idée de départ est pourtant bien trouvée avec ce duo charango et accords de guitare plus électrique qui reviennent en boucle, mais elle n'est pas suffisamment développée en termes de cassures, donnant l'impression d'être trop étirée en longueur. 'Et Pourtant Elle Tourne' offre une alternative à cet aspect répétitif avec des percussions bienvenues qui accompagnent le riff commun à quasiment tous les titres de ce "Satellite 3". L'EP se clôt sur une note moins andine avec un acoustique plus classique sur la forme : 'Au Gré De Tes Planètes' propose un joli et touchant duo Bruno-Sonia plutôt agréable qui fait écho à Malicorne ou Ange.
La première partie des "Satellites" explorait le mélange de la mandoline et de la guitare, la deuxième le charango et "Satellite 3" poursuit cette expérimentation andine. Il constitue une étape dans un projet plus large sur l'écologie. S'il s'avère un peu plus tempéré en termes de composition par rapport aux deux autres volets, il ne vient pas altérer l'ensemble d'une œuvre globale à venir, qui suscite curiosité et intérêt envers un artiste à la démarche sincère, à part dans le paysage musical actuel.