Si les Allemands peuvent se vanter d'être (toujours) là, vingt-quatre ans après avoir lâché leur premier rot, que reste-t-il cependant du black metal mélodique de "Lupine Essence" ? Rien si ce n'est cette indélébile propension à être trop lisse. De la formation historique, ne demeure plus que le chanteur et guitariste Arkadius Antonik. Les multiples changements de line-up et de labels ont accompagné les mues successives qui ont vu Suidakra passer du black donc, au death pour finalement accoster les terres d'un folk metal dont les atours sédimentaient déjà "Caledonia" (2006).
S'il est permis d'affirmer que le groupe a désormais fixé son style, cela ne fait toujours pas de lui autre chose qu'un artisan de série B, aussi solide et sympathique soit-il. De fait, "Cimbric Yarns" est à son image, modeste mais agréable. Bien qu'il ne se hisse pas à la hauteur de son écrin visuel signé Kris Verwimp (Uada) et qui promettait l'immersion dans un monde sombre et épique, ce treizième album possède un charme certain, qu'il doit néanmoins davantage aux invités venus enrichir cette palette folklorique de chants féminins (celui de Tina Stabel) et de lignes de violon ou de flûte, instruments respectivement tenus par Shir-Ran Yinon (New Model Army) et Catalina Popa, qu'à son originalité.
Sans toujours éviter de s'engluer dans un sirop acoustique ('Caoine Cruác'), reconnaissons que cette suite de "Realms Of Orderic" parvient à matérialiser cet univers de fantasy avec une grandiloquence cinématique, comme l'illustre le très beau 'Serpentine Origins'. Les arrangements se parent d'habits forestiers ('Snakehenge') tandis que les mélopées féminines distillent une mélancolie doucereuse et nocturne ('A Day And Forever'). Ceux qui attendent des poils et de la sueur en seront toutefois pour leur frais car "Cimbric Yarns" mise sur la retenue de mélodies boisées que seul l'enrobage orchestral nourrit d'une dimension vaguement épique.
Plus folk que metal, l'album étonne par son calme et sa sérénité qui, à la fois, le prive d'une force fougueuse mais lui confère un charme aussi mineur que touchant dans sa simplicité. A défaut de s'extraire de la seconde division, Suidakra confirme avec ce nouvel opus que les envolées folkloriques voire acoustiques lui siéent davantage que le metal (gentiment) extrême.