Les concepts albums seraient-ils réservés uniquement au genre progressif ? La réponse est bien évidemment non. Beaucoup de groupes se sont essayés à ce type d'album construit autour d'un thème précis. Les Beatles avaient "Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band", les Beach Boys "Pet Sounds", The Who leur "Quadro'phenia" et At Is It proposent leur "The Great Depression".
Prenant le fondement des différentes étapes du deuil, As It Is avec son rock post punk propose un album âpre rempli d'hymnes à l'ambiance presque parfois pamphlétaires en quatre parties de trois titres chacune. La première partie s'intitule "le déni" et revêt des atours énergiques illustrant une révolte de l'inacceptable de prime abord avec le tubesque titre éponyme. Il est loin du temps de l'emo punk romantico-rebelle. Ici pas de fioriture émotionnelle, c'est direct avec un refrain porteur clamé par le dynamique Patty Walters Ce n'est pas 'The Wounded World' qui vient contredire ce départ sur les chapeaux de roues. Ce "Déni" constitue la partie la plus easy listening et permet de rentrer dans l'album facilement avec des titres puissants qui restent en tête tout en se concluant sur un agressif "The Fire, The Dark" aux couplets plein de noirceur et au refrain plus rageur. Il fait la transition vers une deuxième partie plus alambiquée et consistante.
"La colère" prend ainsi le relais, permettant de rentrer dans la réalité du deuil avec un 'The Stigma (Boys Don't Cry)' révélateur, comme si les larmes n'étaient réservées qu'à la gent féminine et que les hommes devaient même en ces circonstances ravaler leur fierté. Mais ces larmes sont celles de la colère qui peut soudainement envahir celui qui reste en vie - peu importe qui est touché. Le titre est construit avec une multitude de breaks qui illustre les différentes étapes de cette rage qui sera encore plus prégnante dans le sombre 'The Handwritten Letter'. Et puis vient ce morceau sous la forme surprenante d'une ballade semi-acoustique un peu mélodramatique et sucrée qui amène vers" le marchandage". La forme un peu electro surannée tombe un peu comme un cheveu sur la soupe.
La rythmique mise en avant introduit 'The Reaper' avec un invité de marque en la personne de Aaron Gillespie (Underoath) qui vient accentuer la batterie martiale et puissante du groupe. Le marchandage nécessite de s'adapter et d'être moins direct, tel qu'est 'The Two Tongues' qui adopte différents langages entre un couplet genre ballade et un refrain dévastateur. Les riffs sont tous bien trouvés et vont droit au but, très peu de solos viendront densifier le propos. L'auditeur passe ainsi d'un morceau dense à des titres plus directs et rentre-dedans, comme peut l'être 'The Truth I'll Never Tell'.
Vient ensuite le temps de l'étape de "l'acceptation", où tout s'apaise plus ou moins, ce qui n'empêche pas la tristesse comme celle qui colore le beau 'The Hurt, The Hope' et son climat presque progressif dans la façon dont il démarre doucement pour finir de façon plus intense. Le bien nommé 'The End' termine cet album de façon positive comme pour accepter de vivre avec la perte finalement acceptée et comprise.
"The Great Depression" est un disque audacieux, car il aurait été facile pour As It Is de s'enfoncer dans le pathos malvenu. C'est tout le contraire qui est proposé. L'album, même si certains titres manquent un peu d'originalité, est un bel essai sur les différentes étapes du deuil, chose suffisamment rare dans le genre rock alternatif pour ne pas être soulignée.