Peu de groupes peuvent se targuer d'atteindre les vingt ans d'existence. Merzhin rentre dans le cercle très fermé de ces groupes. Créé à l'origine par une bande de copains de lycée, le groupe a fait évoluer son style depuis ses débuts. Pendant cette période les membres ont pris de l'âge, certains sont devenu pères, ont fondé une famille. De facto le rock celtique festif du début s'est au fur et à mesure enrichi d'éléments plus sérieux, plus durs, plus bruts. Il faut se rassurer, l'identité de Merzhin reste celtique. Celle-ci est totalement assumée et tire sa source de la tradition bretonne riche de son histoire et de ses mythes. Cette évolution s'explique donc par un changement de perspective, de priorité. Le groupe s'appuie sur une culture universelle au grand rayonnement pour transmettre ses messages en guise de questionnement et provoquer une prise de conscience sur un monde en mouvement.
"Nomades" représente la dernière étape de cette progression. La signature récente avec Verycords a permis au groupe de collaborer avec Kemar et Shankar de No One Is Innocent. Le titre éponyme témoigne d'un groupe concerné par l'évolution sociétale actuelle et notamment par les mouvements migratoires. Dans cette chanson, Merzhin souligne que ces mouvements ne datent pas d'hier, ont toujours existé, qu'ils soient subis en raison des guerres ou des changements climatiques, et que chacun d'entre nous est issu de ce nomadisme. Si les couplets sont très rock sans forcément être métalliques, le refrain est joliment accompagné par la bombarde qui assoit ce rock celtique tellement singulier.
Alors même si le ton est plus dur, le groupe ne renie pas cette particularité qui fait tout son charme. 'Standing Rock' débute de façon instrumentale, comme une musique de film, une sorte de western breton avec ses cuivres façon Ennio Morricone, puis vient le texte qui se réfère aux dieux sur fond d'humanisme jusqu'à aboutir à un refrain puissant. 'Substance' revêt une structure plus directe et diablement efficace, notamment dans sa rythmique chaloupée au gré des instruments à vent. Comme un concept album, "Nomades" propose des pauses instrumentales dont 'Imala', titre touchant qui à grand renfort de bombardes et de tambours se révèle de toute beauté, ancrant le groupe dans sa tradition tout en la bousculant. 'Icapa' va plus loin dans ce métissage et 'Imram' est plus classique et sonne comme un bagad.
Avec ce disque, Merzhin a trouvé la bonne formule en ne versant pas dans un rock trop subversif pour être suffisamment accessible tout en restant fidèle à une culture qu'il assume et dont il ne veut pas s'affranchir pour demeurer authentique. Cela offre un album riche, universel à l'image de 'Sans nous' qui assène un compte à rebours sur l'histoire qui balbutie ses travers et qui n'a hélas rien appris de son passé. L'équilibre sied bien au message et chaque membre est au diapason du projet.
Merzhin en grandissant se fait objecteur de conscience, pose des questions sans pour autant apporter des réponses à ses interrogations. "Nomades" se veut humaniste en replaçant l'Homme au centre de son projet et de son message à l'image de la pochette sublime qui fait écho à "Des Heures à La Seconde". Il est en tout cas un groupe qui compte et qui a des choses à dire, intéressantes et touchantes, dans le paysage rock revendicatif qui trouve malheureusement trop peu d'écho médiatique dans nos contrées.