Nul besoin d'être nombreux pour faire beaucoup de bruit. Mantar en est convaincu et ceux qui prennent en plein face ses uppercuts peuvent en témoigner ! Les Teutons ne sont que deux, Hanno et Erinc, qui se partagent le chant et les instruments. C'est basique, primitif, primaire même. Originaire de Hambourg, la doublette cherche donc à évider d'un sludge goudronneux la force brut(al)e du mal originel. De là le caractère presque rock'n'roll de ce matériau forgé dans une aciérie envahie par la boue et les ténèbres.
Deux ans après "Ode To The Flame" qui scellait une alliance avec le puissant Nuclear Blast, le duo revient perforer nos orifices à peine cicatrisés avec un troisième effort baptisé "The Modern Art Of Setting Ablaze", glaviot mazouté que nous sommes déjà prêts à avaler comme une semence méphitique. Fidèle au patron dont il se sert depuis l'originel "Death By Burning" (2014), Mantar soumet un menu extrêmement dense et trapu, tendu comme une hampe gonflée, au bord de l'explosion. Passé l'introductif 'The Knowing' dont les notes mélancoliques posent un décor de ruines et de cendres, c'est une marée noire sale et visqueuse, quasi punk, qui s'abat, charriée par une tempête colérique.
De 'Age Of The Absurd' jusqu'à 'The Funeral' qui met un point final à une écoute placée sous le signe d'une haine bilieuse, jamais la pesante mécanique de ce Panzer ne s'enraye. Ce qui ne lui interdit pas quelques pauses, toujours macabres cependant, témoins les premières mesures de 'Taurus', égrenées par une guitare maladive. De même, chez les Allemands, les claviers, utilisés avec parcimonie, loin d'en sucer le jus malsain, poissent ces compos d'une atmosphère corrompue ('Obey The Obscene', 'Anti Eternia').
En fait, le constat est identique à celui tiré de "Ode To The Flame" : derrière l'agression biberonnée au Destop, une finesse d'écriture et un sens des ambiances sinistres répandent un envoûtement vénéneux. Mantar demeure plus que jamais cette bête énervée qui détruit tout sur son passage avec sa queue épaisse, creusant dans la terre des sillons au fond desquels infuse une espèce de beauté fangeuse. Mais plus les années passent, plus le tandem donne l'impression de serrer le frein à main, privilégiant désormais les reptiliennes perforations aux saillies sauvages, à l'image des rampants 'The Formation Of Night' et autre 'Eternal Return'. Reste qu'un titre comme 'Seek Forget', que vrille une énergie furieusement hardcore, démontre que cette évolution ne l'exonère pas d'une violence néanmoins plus vicieuse que frontale. Au chant qui dégueule des tripes ensanglantées répondent ainsi tempo écrasant et guitares ferrugineuses en un bloc de matière abrasive, dressée dans une obscurité compacte.
Mantar ne déçoit pas avec "The Modern Art Of Setting Ablaze" qui s'inscrit dans le sillage de son prédécesseur dont il poursuit la mutation vers un sludge'n'roll qui tabasse avec une science sournoise du climat sourd et macabre.