Les contes de fées ça n'arrive pas qu'aux autres. Trois jeunes garçons rêvaient de créer un groupe de musique, dont le nom reprendrait celui de la plus grande espèce de mygale (connue aussi sous le nom d'araignée Goliath) que l'on peut croiser pour son plus grand malheur en Guyane. Mais même avec un tel patronyme gigantesque, comment leur radeau voguant sur une mer de metal déchaînée pouvait-elle attirer quelqu'un? C'est là que par miracle, Jan Rechberger, batteur du groupe Amorphis, remarque le frêle esquif et invite les trois compères à embarquer dans son studio d'Helsinki pour enregistrer son premier EP.
Et notre voyage commence, une fois n'est pas coutume, sur des chapeaux de roue. Près de onze ans après sa création, Theraphosa n'allait pas se risquer à faire une introduction sophistiquée. De la même façon, l'album se clôt brutalement, comme si le groupe ne souhaitait pas s’embarrasser d'un bouquet de feu d'artifices. Nous visitons en avant-première la forge de Vulcain. Les amateurs de son de guitares qui tachent vont en avoir pour leurs oreilles. Les guitares de Theraphosa tronçonnent et engluent l'espace sonore à l'image de leur patronyme. Le batteur est de la graine des Duracell, véritable boule d'énergie, jamais avare dans ses coups et toujours survolté. La basse apporte une grille de lecture assourdissante. Conformément aux codes du genre, le chant en growl se montre également très menaçant, d'autant qu'il est particulièrement rageur - quasi punkoïde - en particulier sur 'The God Within'.
Mais la richesse sonore de Theraphosa est de nature schizophrène. Les growls côtoient un chant plus clair dans la grande tradition d'Opeth ou Artefact. Ce dédoublement semble illustrer vocalement une lutte entre le bien et le mal, entre raison et folie voire l'opinion de la mouche dans le château de l'araignée. De la même manière, la guitare se métamorphose et offre des soli plus clairs, délestée de son opacité comme sur 'The God Within' ou 'Obsession' dévoilant une véritable recherche mélodique. A ce titre, 'The Butcher' est le parangon du son de Theraphosa. L'auditeur pénètre dans un royaume de ténèbres où la menace et le mystère nous entourent rapidement, mais les nappes sonores, le chant et surtout le solo de guitare inattendu nous réconfortent presque et nous revitalisent.
Il est trop tôt pour statuer sur le couronnement de Theraphosa. Mais par sa nature schizoïde, la musique de ce jeune groupe se révèle riche et peut leur permettre de dépasser leur stade de ''plus grand groupe de la toile.'' L'attention du groupe sur la recherche mélodique de sa musique n'en est encore qu'à son incubation. Un peu de patience et nous saurons si les trois hommes araignées sont de la race des super-héros du metalcore.