Deux ans après ''The Other Shore'', le vaisseau metal-indus Broken Down a toujours pour unique pilote Jeff Maurer. Au fond de son laboratoire secret, monsieur Broken Down n'essaie pas de soigner la schizophrénie qui s'est emparé de lui mais au contraire de la stimuler. Pour ce troisième album ''D'rop Dead Entertainer'', retrouverons-nous à nouveau le sel de ce groupe à une tête, c'est à dire un metal-indus aventureux qui se défie farouchement de toute étiquette ?
Alors que l'auditeur restait sur sa faim sur le précédent album, Jeff Maurer se montre maintenant plus généreux sur les portions : une heure de voyage. Celui-ci se montre déroutant à première écoute. L'ambiance légère et mélancolique du piano (à l'image de la couverture azuréenne) poursuit les expériences cinématographiques déjà élaborées sur le précédent opus (cette même partition de piano, dans une version plus lourde, fermera l'album comme un générique de fin). Mais ce sont bien vite des sentiments de terreur et d'horreur qui vont surgir. Jeff Maurer déploie ses tanks sonores qui donnent envie d'envahir la Pologne. Les guitares métalliques écrasent tout sur leur passage ('Sunburn Factory', 'Pretentious And Insolent' et 'All You Need Now' qui rock 'n' rollise le metal). Les claviers martèlent le rythme comme une marche meurtrière ponctuée de beats EBM (l'introduction de 'No Last Resting Place'). Toutefois, on note dans ce chaos quelques gourmandises ambiant et atmosphériques, comme 'Cervical Vertebrae Evolution', la ballade aérienne 'Room 42', le final apaisé de 'A Ghost In The Machine' apportant un charme aussi vénéneux qu'un champignon atomique, mais également des morceaux au potentiel paradoxalement dansant comme 'Nightly Trance'.
Jeff Maurer ajoute à sa musique la plus-value d'un chant bipolaire (voire tripolaire, quadripolaire etc...). Nous aurons le privilège d'assister à ces dialogues pétrifiants entre la voix dominante, assez claire, paradoxalement proche d'un chant faux mais incroyablement juste (qui nous rappellera celle d'un psychopathe de type Renfield sur 'Don't Let Them Stack The Deck' ou 'Down The Stairs'), une voix de possédé légèrement déformée (sur le refrain d' 'All You Need Now', étrangement fédérateur, 'Raging Inside'), des growls (parfois proches de Killing Joke sur 'You Turn Now'). L'auteur semble nous dire que ce n'est pas lui qui est fou mais le monde dont la folie est devenue tellement quotidienne que la sienne est presque une nécessité. Les paroles se révèlent assez acides sur les codes de société, les rêves de plastiques et autres réseaux sociaux.
Alors que l'on regrettait l'évanescence du précédent album, Jeff Maurer, le sourire aux lèvres, a passé une seconde couche, nous permettant ainsi de savourer plus d'une heure d'une musique certes chaotique mais également atmosphérique, mélancolique et surtout schizophrénique. Se défiant à nouveau de tout label, Broken Down est loin de s'éparpiller en morceaux. L'album en son entier apparaît à première vue un gros gâteau à digérer mais le charme de plusieurs écoutes vous permettra d'en redemander à nouveau. Monsieur Maurer, par pitié, continuez à nous déranger ainsi et n'écoutez pas ce que les hommes en blanc vous disent !