Sorti de la terre hellénique en 2015, Nochnoy Dozor offre enfin son premier signe de vie avec cet EP éponyme. Si le fait que le groupe ait été repéré par l'honorable Prophecy Productions garantit inspiration et personnalité, son nom, tiré de l'œuvre du romancier russe Sergei Loukanienko, "Night Watch : Les sentinelles de la nuit", indique un art englué dans les ténèbres, fouillant les recoins nocturnes pour en extraire une mélancolie poétique.
La présence de deux chanteuses, Lina et Revekka, confère à cette partition fortement émotionnelle une coloration à la fois rêveuse et atmosphérique. Six pistes, c'est peu bien sûr mais suffit cependant aux Grecs à esquisser déjà un univers tant sonore que textuel aussi sombre que délicat, qui erre quelque part entre bande-son intimiste et gothic rock automnal. Si ce retable est avant tout peint par ces voix féminines aux tessitures complémentaires qu'elles remplissent comme des aplats éthérés, guitares pointillistes, tendres percussions, quatre-cordes élastique et claviers ourlés de désespoir étendent un décor tout du long hypnotique.
Bien que relativement ramassés, à l'exception du lancinant 'Ben Hur' dont la lenteur l'entraîne à travers les méandres plombés d'un doom vespéral, tous les titres abritent des trésors d'écriture et d'arrangements lovés dans les profondeurs d'une intimité toute en clair-obscur. Une belle richesse instrumentale tapisse leurs parois qui brillent d'un doux éclat.
Si le socle se fait parfois assez lourd entre un 'Closer' aux courbes appuyées et ce 'All Mine' percutant et strié de guitares dissonantes que hantent des nappes funéraires, le menu traverse un paysage atmosphérique délicat qui n'est pas sans évoquer un Antimatter avec lequel les Hellènes font plus que partager un label en commun. On retrouve chez eux une même tristesse trippante, qui envoûte autant qu'elle serre l'âme et le cœur. L'ombre de Mick Moss plane sur les harmonies vocales des deux damoiselles, comme en témoignent 'Black Hand' et 'Stains', perles d'ambiances à la fois cristallines et pulsatives.
Nous attendons désormais que Nochnoy Dozor confirme son potentiel, qu'on devine encore à peine défloré par cette séduisante carte de visite, avec un véritable premier opus...