Si les Suisses d’Unhold ne nous ont pas autant fait patienter cette fois-ci entre "Here Is The Blood" et "Towering" (2015), comme ils l'avaient fait entre celui-ci et "Gold Cut" que sept années séparaient quand même, le fait est qu'ils demeurent toujours ce collectif aussi rare que précieux dont chaque nouvelle hostie est attendue comme le Graal sévère et aérien d'un post-hardcore atmosphérique.
De loin, ce cinquième effort semble vouloir creuser un sillon assez identique à celui de son prédécesseur. On y croise ainsi ce post metal tendu comme le foc d'un navire que ses créateurs s'amusent (façon de parler !) à sabrer de fissures lumineuses (chant clair, voix féminines) et à perturber par l'intrusion de kystes électroniques notamment. De près, la réalité se révèle cependant un peu plus nuancée. Quand "Towering" était comme un bloc parfois difficile à pénétrer, "Here Is The Blood" paraît plus accessible, peut-être plus direct. Plus viscéral certainement.
Dans un registre immédiat bien que toujours empreint de cette âpreté minérale, 'Convoy' illustre cette facette très rock cependant que 'Curse Of The Dime' séduit par ses aplats rêveurs que des vocalises biberonnées au Destop assombrissent néanmoins. Au vrai, cet opus est une œuvre souvent insaisissable et mouvante, pétrie de sinuosités dont la vaste palette vocale est l'un des principaux vecteurs. Au chant patibulaire répondent un pinceau clair masculin et surtout les mélopées aussi émotionnelles que fantomatiques de Miriam Wolf qui colorent moins de douceur que de mélancolie ce matériau rugueux que bétonnent des guitares tour à tour pointillistes ou magmatiques.
Puisant dans l'humus américain, celui de Mamiffer, Neurosis ou Isis, une pulsation comme 'Hunter' n'en est pas moins superbe, alliage de force sourde et de beauté désenchantée. Tout du long de cet album trapu, Unhold joue sur les contrastes d'un art douloureux dans les entrailles duquel crépite une noirceur diluée. Ainsi sous la surface abrasive ou plus lisse d'un post metal classique et faussement simple ('The Chronic Return', 'Attaining The Night') gronde une énergie atmosphérique qui serpente dans les couloirs d'une architecture évolutive.
Noble et pétrifié à la fois, "Here Is The Blood" est un album extrêmement travaillé qui parvient à conjuguer avec une personnalité plus affirmée qu'il n'y paraît de prime abord, puissance bourrue et élan émotionnel. Ce faisant, il poursuit l'évolution entamée par "Towering" qu'il creuse plus encore en profondeur.