Créé en 2009 et originaire du Pays du Soleil Levant, PTF est déjà l'auteur de deux albums, "Percept From…" en 2013 et "What is Constant" en 2015. Le groupe sort cette année son troisième disque, "The World[s]", qui est aussi son premier concept album sur le thème des expériences sensorielles et de la synesthésie. Un concept pour lequel l'auditeur devra faire preuve d'une certaine imagination puisque PTF est une formation entièrement instrumentale.
L'album est découpé en deux actes, un découpage qu'il est difficile d'expliquer par la seule musique, les styles ne changeant pas fondamentalement entre les actes 1 et 2 même si le premier fait peut-être plus de place que le second aux thèmes romantiques ('Monologue ~Just Another Day', 'Wondering What I See', 'Reminiscence'). Un romantisme un peu fleur bleue qui aurait pu faire craindre que l'album ne sombre dans un océan de guimauve.
Fort heureusement, PTF ne s'enlise pas dans les (trop) bons sentiments et diversifie fort intelligemment sa musique, introduisant des passages (moyen-)orientaux, jazzy, western et RIO. Du RIO de bonne famille, utilisant des boucles à l'effet hypnotique avec une certaine parcimonie, mais ne sombrant jamais dans des dissonances propres à effrayer les oreilles sensibles. Si la musique s'acidule par moments, c'est sous l'effet des violons électriques et acoustiques de Keisuke Takashima qui tiennent lieu de guitares au sein du groupe.
Véritable pièce centrale de la musique de PTF, le violoniste domine l'album de sa présence, que ce soit en longs traits legato ou en staccatos nerveux, déroulant des thèmes mélodieux et déliés ou au contraire engluant l'auditeur dans d'obsédants ostinatos. Que ce soit au gré de mouvements virtuoses ou par des traits têtus, les violons sont pratiquement omniprésents, capables de passer des notes les plus sucrées à des tonalités grinçantes. Mais ce serait faire injure aux trois autres musiciens que de les reléguer au rôle de fond sonore. Les claviers de Takeya Kito croisent souvent le fer avec les violons dans des joutes homériques, quand ce ne sont pas les cristallins arpèges d'un piano qui leur servent d'écrin soyeux. La basse de Hiroyuki Ito apporte toute la profondeur souhaitée, sortant fréquemment de son rôle rythmique pour jouer la walking bass ('Reminiscence') ou la soliste ('Monologue ~MY WORLD'), inventive tout comme sa consœur la batterie qui s'affranchit rapidement du jeu linéaire des premiers titres pour multiplier syncopes, contretemps et rythmes complexes, Yusuke Seki faisant tout autant preuve de dextérité que de sobriété.
Les thèmes sont fort nombreux et s’enchaînent avec une remarquable fluidité. Toujours mélodieux, l'album ne manque ni de temps forts, ni de contrastes, passant de mélodies romantiques semblant parfois un brin naïves ('Wondering What I See', 'Reminiscence') à d'autres fort sombres ('Overture', 'Monologue ~MY WORLD'), voire inquiétantes ('In Agony'), ou au contraire à des moments ensoleillés respirant l'optimisme ('Time to Realize', 'So Many Senses / Just Another Day') ou invitant à la danse (le superbe 'The Dialogue').
Bien que "The World[s]" soit fort long (près de 80 minutes !) et entièrement instrumental, il ne lasse jamais l'auditeur par ses perpétuels changements d'atmosphères et les nombreux thèmes qu'il développe, parfois désuets mais le plus souvent très contemporains. Tels les Suédois d'Isildurs Bane, PTF mêle rock, jazz, classique et folklores pour en faire un mélange aussi original que dépaysant.