Groupe autrichien qui s'est tout d'abord fait connaître localement par des reprises de Pink Floyd, Blank Manuskript publie en cette année 2018 un nouvel album quelque peu à part dans sa discographie, s'agissant de sessions enregistrées dans les conditions du direct dans les locaux de l'ORF, radio publique autrichienne.
Et si sur leurs deux albums studios les influences de Pink Floyd, Camel voire Mike Oldfield ont été révélées par mes collègues, nous sommes ici devant un objet radicalement différent, laissant la part belle à l'improvisation et aux jams endiablées des membres du groupe, réduit pour l'occasion à un quintet. Composée de titres pour la plupart inédits, cette nouvelle galette met en valeur les qualités techniques des instrumentistes, proposant de longues parties instrumentales basées sur des répétitions de thèmes, au sein desquelles le chant est presque anecdotique. La tonalité est régulièrement jazzy, virant parfois à la fusion, et l'on retrouve bien évidemment quelques instruments emblématiques de ces ambiances : flûte endiablée, saxophone, Fender Rhodes, le tout soutenu par une basse très présente ('Alone at the Institution'). Inévitablement, le groupe s'approche également des rivages de Magma ('Doubts'), et donne libre cours à son imagination débordante.
C'est ainsi que 'Magician's Dance') évoque sans doute aucun un certain 'The End', inoubliable titre des Doors qui a servi de bande-son à "Apocalypse Now". Tout dans la construction du titre, sa tonalité monolithique, sa montée en puissance avec ses explosions régulières évoque ce monument de la musique, avant que Blank Manuskript n'y apporte sa touche personnelle sous la forme d'une fin instrumentale débridée, portée tour à tour par le saxophone soprano et les claviers qui se fendent d'un splendide solo final. De même 'Achluphobia' commence en mode expérimental façon "Ummagumma" pendant 5 bonnes minutes, avant de poursuivre son chemin sous la conduite d'une guitare hendrixienne qui gratte fort les oreilles, tandis que le final s'avère beaucoup plus apaisé et mélodieux. La conclusion de l'album est tout aussi déroutante, avec une splendide ballade dépouillée emplie de mélancolie (magnifique saxophone), en vrai décalage par rapport à tout ce qui a précédé.
Simple parenthèse dans la discographie du groupe ou réelle volonté d'évolution par rapport à ses publications précédentes ? Seul le futur de Blank Manuskript pourra répondre à cette question. Il reste néanmoins une galette non dénuée d'intérêt et qui met en valeur les talents d'interprétation du groupe, qui satisfera sans aucun doute les amateurs de progressif inventif.