Quelle drôle d'idée, quand on est un groupe instrumental, de s'appeler Bruit≤ ! C'est pourtant ce qu'ont osé ces quatre jeunes musiciens nous venant de Toulouse et qui sortent en cette fin d'année 2018 leur premier EP, "Monolith", chez Elusive Sound, label spécialisé dans les musiques sortant de l'ordinaire.
" Bruit≤", "sortant de l'ordinaire", voilà une entrée en matière qui peut laisser présager du pire (ou du meilleur, selon ses goûts) quant au caractère mélodique de l'EP et personne ne serait surpris de découvrir une œuvre toute en dissonances et bruitages cacophoniques. Et pourtant, il n'en est rien, bien au contraire ! Bruit≤ ne fait pas du bruit mais bel et bien de la musique dont les thèmes, souvent mélancoliques voire dramatiques, sont tout ce qu'il y a de plus mélodieux.
Deux titres composent cet EP. Seulement, direz-vous ? Oui, mais des titres copieux, le premier de plus de 8 minutes et le second ne loupant les 14 minutes que d'une petite seconde, c'est amplement suffisant pour se faire une idée. Ouvrant les hostilités, 'Bloom' évolue par vagues successives, introduisant suffisamment de variations pour permettre à l'auditeur de ne jamais s'ennuyer. Les thèmes qui s’enchaînent mettent tour à tour chaque instrument en relief, offrant notamment un beau contraste entre la fougue de la batterie et la langueur des cordes, celles-ci donnant leur caution orchestrale au morceau. A la fois violent et romantique, mélange de fureur et de désespoir, 'Bloom' est la preuve que du post rock inventif, ça existe.
Changement de ton avec 'The Fall' qui durant les 5 premières minutes développe un climat atmosphérique, feutré et mystérieux peuplé de sons diffus et s'achevant par des samples de voix. Puis le titre déroule une musique cinématique où l'on se représente facilement une scène à la fois tendre et désespérée entre deux amoureux qu'un malheur inconnu vient de frapper. La mélodie s'élève, lente, mélancolique, où la frappe de la batterie simule une sorte de lassitude, d'épuisement, sur les traits legato des cordes d'une tristesse belle à pleurer. La musique gravit un inéluctable crescendo (le violon dans les aigus, la frappe de plus en plus lourde de la batterie), rendant plus intense le sentiment de malheur et de désespoir qui s'en dégage, pour ne plus laisser sur la fin qu'un concert de pleurs des cordes et des synthés qui vont mourir lentement.
Malgré leur durée et une certaine répétitivité lancinante, les deux titres s'avalent sans voir le temps passer. La prise de son, très claire, permet à chaque musicien de se détacher sans pour autant écraser les autres, chacun se mettant au service de partitions tantôt orchestrales, tantôt intimistes, où l'art des nuances et du silence est élégamment maîtrisé. Voilà un premier essai parfaitement réussi et qui donne envie d'entendre Bruit≤ sur un plus long format.