Les années 70 n'ont pas fini de livrer tout leur héritage. Elles génèrent encore des petits-enfants voire des arrière-petits-enfants qui deviennent les légataires de groupes tels que King Crimson, Floyd, Bowie... qui continuent à vivre au travers de jeunes combos inspirés par cette époque bénie des expérimentations sonores les plus aventureuses. Seulement peu d'entre eux peuvent se vanter d'avoir réussi leur incarnation. Nombre d'auditeurs se seront cassé les oreilles à l'écoute de combos qui se prétendent s'inspirer de leurs aînés dans leur projet sans être à la hauteur des espérances.
Liquid Bear fait partie de ces groupes qui ont les années 70 dans le sang et il le prouve en un EP. Le rock proposé ici n'est pas à proprement parler easy listening mais plus complexe et cérébral. Les titres sont relativement courts (moins de quatre minutes sauf le titre final) et on ne peut pas vraiment parler de progressif mais de déstructuration. 'Time To Unwind' propose vingt secondes d'un solo de guitare débridée en intro pour ensuite verser vers une orchestration totalement psyché avec des accords saturés, hypnotiques façon Robert Fripp, des nappes de claviers très ELP et une voix vaporeuse et menaçante. Parmi les inspirations de Liquid Bear, peut être aisément cité Led Zeppelin, plus dans l'esprit que dans la composition copiée/collée, avec des riffs qui se veulent plus tranchants et une rythmique plus dynamique et variée ('Jug O' Jack').
Le combo exacerbe son goût de l'expérimentation sonore avec 'Harry And Bart', titre qui avoisine presque 7 minutes, cumule les strates et les mouvements qui n'auraient pas déplu à Zappa et Hendrix tant la guitare est notamment martyrisée pour en tirer toute sa substance dans une néo symphonie électrique à partir de la moitié du titre, qui aboutit à une conclusion apocalyptique. Mais Liquid Bear peut aussi faire preuve d'une écriture un peu plus lisible avec un 'Perfect Rose' qui colore le rock latent du combo d'une patine jazz fusion crimsonienne avec un final à la tension palpable.
Cet EP démontre le talent du groupe pour digérer ses influences afin de mieux se les approprier et de proposer des compositions plus personnelles. Bien qu'il y ait quelques redondances dans la manière de (dé)construire les titres, ce "Unwind", pensé et composé en dehors du standard actuel de la musique, plaira certainement aux amateurs de King Crimson, Zappa et ELP pour sa science de la distorsion mélodique.