S’ils sont de véritables légendes outre-Manche, on ne peut pas dire que les Anglais de Thunder déchaînent les passions en France. La preuve en est avec le peu d’albums chroniqués dans nos pages et avec la taille des salles accueillant le quintet dans l’Hexagone, la Maroquinerie ayant eu du mal à faire le plein lors de leur dernier passage à Paris en 2017. Alors même si l’objet a pour but de fêter le trentième anniversaire de la formation londonienne, il est légitime de se demander l’intérêt de s’attarder sur la dernière production discographique du combo de Luke Morley et Danny Bowes qui se trouve être une compilation intitulée "Please Remain Seated". Et pourtant, cet opus mérite bien son titre et il est conseillé à tous les amateurs de respecter la consigne affichée en restant assis.
En effet, dès le premier titre, la surprise est de taille avec un ‘Bigger Than The Both Of Us’ qui n’a plus grand-chose à voir avec le hard rock cinglant présent sur "Laughing On Judgement Day" (1992). Celui-ci est devenu un dixieland frais et entraînant qui donne le ton de cette nouvelle livraison discographique. En effet, les vétérans britanniques ont décidé de revisiter leur répertoire sans se fixer de limite et le résultat est tout simplement bluffant pour peu que l’on ne soit pas affublé d’œillères encombrantes. Thunder alterne ici les versions proches des originales mais avec un petit coup de dépoussiérant et des relectures qui risquent d’en déboussoler plus d’un. Au rayon des premières, nous citerons un ‘Future Train’ crépusculaire et poignant avec un solo de grande classe, ‘I’m Dreaming Again’ et ‘Blown Away’ qui prennent toute leur envergure au milieu des titres qui les entourent et n’en sont que plus émouvants, ou un ‘Low Life In High Places’ qui clôture l’ensemble avec une puissance évocatrice qui ébranle une dernière fois les sentiments de l’auditeur.
Car ce dernier n’aura pas été épargné tout au long des 12 titres que composent ce "Please Remain Seated". Il aura vu ‘Girl’s Going Out Of Her Head’ abandonner ses atours glam de 1990 ("Backstreet Symphony") pour une ambiance jazzy et joyeuse. ‘Empty City’ est devenu bluesy et soyeux et déverse son feeling sur plus de 6 minutes jouissives quand ‘Miracle Man’ laisse tomber son hard rock graisseux pour un format acoustique qui ne le prive pourtant pas de son énergie. Quant à ‘Loser’, il part à l’opposé de son hard rock cinglant et sombre d’origine pour une belle ballade aux teintes blues laissant transparaître une émotion à fleur de peau. Enfin, ‘She’s So Fine’ se fait funky et accrocheur avec une énergie positive. A signaler au sein d’une interprétation globale sans faille, le chant de Danny Bowes qui, souvent accompagné de chœurs puissants, n’a jamais sonné aussi proche de Joe Bonamassa et qui dégage une maîtrise totale dans l’art de la transmission des émotions.
En prenant le risque de surprendre ses fans, Thunder offre finalement une œuvre à la fois attachante et puissamment évocatrice. Avec cet opus, les Anglais démontrent une grande maturité et une ouverture d’esprit que leur maîtrise leur permet de transmettre avec délicatesse. Attention, "Please Remain Seated" peut rapidement se révéler addictif tout en donnant envie de (re)découvrir l’ensemble de la discographie de ce groupe injustement ignoré dans nos contrées.