Emigrate, groupe américain de metal industriel sort son troisième album en onze ans 'A Million Degrees'. Comme nous le verrons, cette formation américaine est parrainée par un célèbre groupe allemand (non, ce n'est pas BMW!) qui évolue en dehors des plannings de sa maison-mère.
A l'écoute des premières notes et des riffs de ce "A Million Degrees", on croirait entendre les éructations d'un petit frère de Rammstein, qui viendrait tout juste d'ingérer 'Sonne'. Et pour cause, le guitariste n'est autre que Richard Zven Kruspe, qui officie toujours dans le groupe allemand ! Gros riffs qui tachent et claviers bien à l'honneur, rien d'original mais un rendu efficace et sans bavure. La voix de Richard possède quelques accents nasaux (une espèce de Till Lindemann enrhumé) mais n'est pas dépourvue de puissance vocale.
Alors que l'auditeur pouvait refermer sa platine en pensant avoir pris une douche metal industrielle rafraichissante mais sans trop de choix parmi ses parfums, Emigrate émigre (c'était trop tentant !) en dehors de sa zone de confort. La ballade lumineuse 'We Are Together' irradie nos sens et nous fait ressembler à une petite mouche errant dans le château de l'araignée. '2014' trouve un élan sautillant sur ses refrains avec un décompte allemand anthologique. Richard chante en duo avec Margaux Bossieux et dépoussière la machine rouillée. 'Hide And Seek' est clairement l'alchimie du metal indus et du punk à la sauce Green Day (Billy Joe Armstrong peut se rhabiller sur les refrains hurlés mais jouissifs). A l'évidence, nous sommes liés, Till, qui succède à Marilyn Manson sur le précédent album, vient même poser sa voix rocailleuse en duo sur 'Let´s Go', inquiétant et fascinant objet electro-pop où les deux voix progressent à travers les saillies de leurs langues (l'allemand pour Till et l'anglais pour Richard) avant de fusionner. L'album se termine par une nouvelle ballade où la chaleur des guitares et la voix poignante feront fondre les cœurs les plus endurcis.
Néanmoins, malgré tous les efforts de séduction, cette orientation plus ouverte manque d'équilibre et de sagesse, témoins l'écoute du poussif titre éponyme ou du refrain ridicule de 'Spitfire'. Pis ! Emigrate s'autolyse et ruine ses bonnes idées : 'You Are So Beautiful' qui se voulait la synthèse idéale entre U2 et Blink 142 peine à convaincre sur son refrain sec (on pourrait dire cela de toutes les chansons où refrains et couplets opposent les genres). 'I'm Not Afraid', collaboration avec Tobias Forge de Ghost, malgré son ambiance grégorienne, est purement soporifique, même si la poudre parle enfin 1 minute avant l'extinction des feux avec un court mais libérateur solo de guitare.
Emigrate est le rêve américain du guitariste historique de Rammstein. Si le sceau Rammstein est sans aucun doute cacheté, ce troisième album réussit à en rompre une partie en s'aventurant sur des terrains plus ouverts, pop, electro et punk. L'influence de Rammstein reste modérément présente, et l'ensemble inégal peine à convaincre sur la durée, le groupe se retrouvant à danser sur des chaises branlantes. Emigrate a largement le potentiel pour séduire, peut-être devrait-il se montrer un peu égoïste en refusant sa porte à de nombreux invités... Un album de transition peu de temps avant la mort annoncé du géant de Berlin ?