Les têtes chercheuses de Svart Records se trompent rarement lorsqu'elles décident de signer un groupe. Peu de déchets et surtout de nombreuses et belles découvertes émaillent un catalogue qui ne cesse de s'enrichir entre doom, folk psyché et rock progressif. Il faut dire que la Finlande, sol que le label tamise en priorité, regorge de formations aussi talentueuses qu'anachroniques, à l'image de ce Superfjord que nous ne connaissions pas encore mais dont le "It Is Dark, But I have This Jewel" lui a permis de se faire remarquer auprès des amateurs de breuvages cosmiques et moelleux.
Quatre ans plus tard, l'équipage nous invite à le suivre pour un deuxième voyage à travers l'infini de d'espace et les méandres de la musique évolutive. De fait, "All Will Be Golden" a quelque chose d'une synthèse aussi brillante que généreuse du rock progressif des années 70. Colorée et chaleureuse, la partition galope entre space rock à la berlinoise ('Cute And Paste'), rock psyché mordant ('Rainbow') et prog forestier ('Parvati Valley'). Si les vocalises rivalisent d'harmonies, témoin le tendre 'Rainha Da Floresta', c'est avant tout l'arsenal instrumental qui permet aux Finlandais de décoller très haut pour explorer les confins de l'univers.
Etirant un tapis stellaire et moiré aux tons seventies, les claviers de Juho Ojala sont flanqués de guitares stratosphériques et surtout de percussions tribales qui impriment à l'ensemble un groove puissamment hypnotique. Long de près de huit minutes, comme la plupart des titres, le bourgeonnant 'No Rest For The Wicked' est peut-être celui qui résume le mieux l'écriture orgasmique de Superfjord. Avec une fraîcheur décontractée et une énergie percutante, le sextet opère la fusion quasi instrumentale entre des synthés onctueux et une rythmique débridée (ces lignes de basses !) pour un résultat aux teintes psyché et jazzy que saupoudre un saxophone chaloupé.
En dépit d'une affolante maîtrise technique, les musiciens ne bavent pourtant jamais de partout, préférant à la complexité une espèce de simplicité tranquille, comme le démontre le grandiose 'Master Architect' dont les onze minutes (ou presque) au garrot tricotent un maillage répétitif spatial et délié, lente élévation à laquelle vient se greffer tout doucement une myriade de sons avec toujours en guise de colonne vertébrale, ces percussions ondulantes et cette quatre-cordes gourmande.
"All Will Be Golden" est une œuvre lumineuse et salvatrice d'une grande force spirituelle dont les vertus thérapeutiques devraient la rendre obligatoire. Trip cosmique biberonné aux substances seventies, elle devrait durablement imposer ses géniteurs parmi les (nouveaux) maîtres du prog psyché antédiluvien et pourtant furieusement jubilatoire.