Texel est une île hollandaise en pleine mer des Wadden dont l'archipel Frisons auquel elle appartient se prolonge jusqu'au Danemark. Qui allait croire qu'en 2018, ce rapprochement géographique se concrétiserait en musique ? Texel est aussi le nom d'un groupe mi-danois mi-anglais qui a déclaré sa flamme à un groupe hollandais et pas des moindres, Focus. On se souvient de 'Hocus Pocus', morceau aussi délirant que technique mais qui a éclipsé l'œuvre délicate et sensible des sieurs Akkerman et Van Leer (réécoutez ''Hamburger Concerto'' pour vous en convaincre).
Texel ne se cantonne cependant pas à un rôle de tribute. Plutôt que de récupérer dans son panier des titres de Focus piochés à droite et à gauche en priant pour que la marmite se mette à bouillir, Texel prend le taureau par les cornes et décide de composer à la manière de, un pari risqué. Comme son modèle, Texel a réalisé un album intégralement instrumental, une gageure à une époque où la musique instrumentale trouve de moins en moins d'audience en dehors d'un postulat classique. L'orgue guilleret et les discrètes flûtes viennent nous placer en territoire connu sur le premier titre 'Medusa'. On peut se rassurer, Texel connaît les classiques du groupe. '1975' brode à nouveau une ambiance pastorale avec les mêmes ingrédients mais un break installe une atmosphère onirique où la guitare et les claviers se livrent à une joute rythmique. On s'amusera également en écoutant 'Organic' de comprendre la dette qu'avait Camel à l'égard des Hollandais.
On pourra regretter que le groupe ne se soit pas essayé à la suite-fleuve de leurs aînés, une constante chez les Hollandais. Mais passé le premier plaisir de déguster cette madeleine d'Amsterdam, il apparaît que cet album, même réalisé avec brio, n'apporte rien au monde de la musique mais accumule des clichés sur Focus en plaquant de la mécanique sur des sons figés. Les timides percées hard d' 'Ambitious' et les changements de rythme se révèlent artificiels, comme des collages arbitraires de différentes séquences évidentes (avec beaucoup de copier-coller) malgré l'enthousiasme et la bonne volonté d'un modus operandi qui a le malheur de s'éterniser démesurément. Le solo de guitare de 'Impressions' ne parvient pas davantage à captiver. Focus était un groupe généreux et aventureux, malgré de médiocres dernières productions ; le groupe a-t-il voulu dévoiler cyniquement la déchéance de sa formation de chevet en livrant un album qui ressemble à la rédaction d'un élève qui aurait copié du Victor Hugo en espérant déjouer la vigilance de son professeur ?
Enthousiaste, Texel a réalisé un album tourné vers Focus. Si le groupe a bien digéré les nombreuses ambiances pastorales, il est toutefois regrettable que cette invitation à l'intérieur d'un jardin enchanté manque cruellement de contraste. Mais pire, en voulant rendre hommage à Focus en proposant des compositions inédites, Texel se retrouve condamné à ressasser des clichés au lieu de donner vie à une nouvelle musique.