Quel drôle de caméléon musical qu'Ulver ! Débutant sa carrière par un black metal aux touches folkloriques, le groupe tâte tour à tour du metal indus, du hip hop, de l'electro, du post rock, de l'art rock, du rock psychédélique, de la musique contemporaine teintée de classique, des improvisations avant-gardistes et enfin de la synthpop. Tout cela en 11 albums et quelques EP, il y a de quoi donner le tournis.
En novembre 2017, Ulver partageait un EP trois titres sur les plateformes de streaming, les deux premiers morceaux étant des laissés-pour-compte du précédent album "The Assassination of Julius Caesar", BO du film canadien "Riverhead", le troisième étant la reprise du 'The Power of Love' de Frankie Goes To Hollywood, sorte de madeleine de Proust musicale pour le groupe. Baptisé "Sic Transit Gloria Mundi", celui-ci sort en cette fin 2018 sur vinyle, les trois titres d'origine étant complétés de 4 enregistrements live tirés de "The Assassination of Julius Caesar".
L'influence new wave qui transpirait de l'opus précédent ne se dément pas sur cet EP fort bien produit par ailleurs. Pour tout dire, coincer ce disque entre un album de Depeche Mode et un d'Ultravox n'aurait rien d'iconoclaste, bien au contraire. Loin des musiques étranges et inclassables auxquelles ils nous avaient habitués sur leurs frasques passées, les Norvégiens se font presque dansants et en tout cas très directs, interprétant des chansons simples auxquelles la voix (magnifique, est-il besoin de le rappeler) de Kristoffer Rygg donne cette teinte à la fois mélancolique et romantique, évoquant tour à tour Midge Ure et Roland Orzabal.
Si les trois premiers titres nous replongent de plain-pied dans les années 80 et leurs synthétiseurs, mais sans rien de kitsch ni d'affreusement rétro, bien au contraire, les quatre titres live, tout en conservant l'atmosphère propre à cette décennie, semblent plus sauvages, dominés par une batterie aux roulements lourds et entêtants, et les nappes de claviers se font plus tragiques et gothiques. Seul 'Rolling Stone' fait penser qu'Ulver n'est pas totalement mûr pour les pistes de danse, son long final aussi cacophonique qu'inquiétant venant rappeler à l'auditeur qu'il écoute un groupe qu'aucune classification ne saurait enfermer.
Fans d'Ultravox, de Tears For Fears, de Talk Talk, de Depeche Mode… et d'Ulver, précipitez-vous sur cet EP qui à coup sûr vous plongera dans la nostalgie d'une décennie parfois injustement décriée.