Pour ceux qui en douteraient, nous avons la preuve que Warren Haynes est un homme de parole. Le 8 juillet 2013, lors d’une interview qu’il nous accordait, nous lui avions remis l’album "Somewhere In The Middle" de General Store et il nous avait promis d’y poser une oreille. A l’écoute de ‘Stone Cold Rage’ qui ouvre ce nouvel opus de Gov’t Mule, il est évident qu’il a tenu sa parole et a apprécié le titre ‘Celebrate’ tant le riff écrit par l’Américain est proche de celui des Bordelais. Mais ne faisons pas preuve de mesquinerie et voyons plutôt là un hommage dont Will Lester et sa bande seront très probablement hautement flattés. Quatre ans après un "Shout !" qui, il faut bien l’avouer, avait un peu déçu votre serviteur, la légende du heavy-blues-rock US est de retour avec un opus intitulé "Revolution Come… Revolution Go" enregistré au lendemain de l’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, homme dont Warren Haynes est un opposant affiché.
Dès la pochette, la couleur est annoncée avec ce bonhomme monté à l’envers sur sa monture et hurlant dans son mégaphone sans que personne ne l’entende. Sans faire un opus ouvertement engagé, Gov’t Mule ne va donc pas hésiter à se positionner sur quelques sujets sociétaux. Ce regard sur la société et ses revendications vont se retrouver dans des titres tels que le puissant et accrocheur ‘Stone Cold Rage’, la ballade mid-tempo mélancolique ‘Pressure Under Fire’ ou le bluesy et cinglant ‘Burning Point’ sur lequel Jimmy Vaughan vient prêter main forte à la guitare. Contrairement à son prédécesseur, "Revolution Come… Revolution Go" revient vers des titres prenant plus le temps de se développer avec une grande partie d’entre eux culminant au-dessus des six minutes et n’hésitant pas à s’aventurer sur des territoires progressifs. Le titre éponyme en est le meilleur exemple avec ses changements d’ambiances et de tempi.
Warren Haynes et sa bande offrent ici un opus varié et sans temps mort, n’hésitant pas à glisser quelques surprises par-ci par-là comme ce ‘Drawn That Way’ lancé par un riff AC/DCien et terminant sur un long solo digne de ZZ Top. Sur ‘Traveling Tune’, ce sont des territoires country qui sont parcourus avec l’aide de la steel guitar de Geordie Johnson. Quant à ‘Dark Was The Night, Cold Was The Ground’, il voit le quatuor s’approprier un blues instrumental traditionnel pour en faire une pièce épique à l’ambiance sombre et inquiétante montant en puissance et en intensité pour un final majestueux. Ce dernier adjectif peut d’ailleurs s’appliquer à l’ensemble de cet opus dont une des forces consiste à parfaitement marier la face inventive de Gov’t Mule avec des pièces plus classiques mais toujours aussi imparables. A ce titre, les ballades ‘Dreams & Songs’ et ‘Easy Times’ prouvent qu’il n’y a pas besoin à tout prix d’une originalité pour déclencher des émotions profondes et sincères. Dans le même créneau, ‘The Man I Want To Be’ se fait lent et poignant tout en montant en intensité. A noter enfin le puissant ‘Thorns Of Life’ et le soul et groovy ‘Sarah, Surrender’ qui viennent compléter un ensemble sans faille.
Avec ce nouvel opus protéiforme mais néanmoins cohérent, Gov’t Mule revient vers les plus hauts sommets et offre une œuvre qui n’est pas sans rappeler ses premiers méfaits discographiques. Warren Haynes et sa bande ont encore des choses à dire et peuvent encore varier leur propos, prenant ainsi fort logiquement la place du défunt Allman Brothers Band. Comme son glorieux aîné, le quatuor vient prouver que le rock sudiste a encore de beaux jours devant lui tant qu’il garde son esprit ouvert.