S'il est une scène progressive riche et bien vivante, c'est certainement d'Italie qu'elle nous vient, soutenue par des labels comme AMS ou Black Widow Records. Et si certains groupes affichent la couleur (vert-blanc-rouge, évidemment !) en portant des noms fleurant bon le soleil de la péninsule en forme de botte, tels La Coscienza Di Zeno, Locanda Delle Fate, Il Baccio Della Medusa ou Il Tempio Delle Clessidre, d'autres brouillent les pistes avec des patronymes moins typés (Ellesmere, Baba Yoga), voire carrément anglo-saxons (Moongarden, The Winstons).
Marble House appartient à cette dernière catégorie, son nom le renvoyant plutôt outre-Manche qu'au-delà des Alpes. Pourtant, le groupe est né à Bologne en 2012 dans la tête de Filippo Selvini et Giacomo Carrera avant de s'étoffer trois ans plus tard de deux nouveaux musiciens, Daniele Postpischl et Matteo Malacarne. Après s'être fait la main dans divers festivals et manifestations, Marble House recrute en 2016 un chanteur, Leonardo Tommasini, et entre en studio en 2017 pour son premier album, "Embers", qui ne sort chez Lizard qu'en cette fin d'année 2018, Filippo Selvini étant déjà parti explorer d'autres horizons.
Il n'y a pas que le nom qui ne sonne pas italien chez Marble House. Là où la musique de ses compatriotes s'orne souvent d'effets théâtraux tout droit hérités des grands groupes anglais des années 70, Genesis et Van der Graaf Generator en tête, la mélancolie parfois funèbre de "Embers" le situe plus du côté de la scène progressive nordique à la Gazpacho.
L'album contient cinq titres dont un epic de près de 25 minutes et réserve à l'auditeur une progression tant en intensité qu'en qualité. Les choses démarrent en effet doucement, voire mollement avec les trois premiers titres. S'ils ne sont pas désagréables à écouter, leur néoprog paraît un peu conventionnel et manque du souffle épique qui leur permettrait de décoller. Néanmoins le solo final de 'Riding in the Fog', malheureusement écourté par un fade out, accroche l'attention et préfigure ce qui va suivre.
Si 'The Last 48 Hours' n'a pas grand-chose de progressif, ce n'en est pas moins une ballade mélancolique très réussie entre son piano famélique, ses notes cristallines de guitare, sa basse sépulcrale et surtout ce chant gorgé d'une mélancolie qui prend aux tripes. Puis vient 'Marble House' sur lequel le groupe prend le temps d'exposer ses thèmes pour installer une atmosphère mortifère, alternant passages instrumentaux et chantés tous plus sombres et fantomatiques les uns que les autres mais n'excluant pas pour autant une certaine folie (lorsque le King Crimson de '21st Century Schizoïd Man' croise les solos d'orgue saturés de Deep Purple par exemple). Le chant flottant de Leonardo Tommasini, évoquant souvent Matthew Bellamy (Muse) par ses longues plaintes stridentes à l'effet dramatique garanti, et qui séduira les uns comme il repoussera les autres, fait incontestablement grimper l'intensité d'un cran sur ce dernier morceau.
Marble House réussit à faire ce qu'il n'avait pas réussi sur les trois premiers titres : développer une ambiance et évoluer de façon fluide. Si l'album est un peu déséquilibré, il a le bon goût de partir du moins convaincant pour aller vers le meilleur, laissant l'auditeur sur une impression positive. Rien que pour son dernier titre, "Embers" mérite le détour.