Après la révolution industrielle qui a modifié en profondeur la société du XIXème siècle et fondé la société contemporaine, nous vivons ou subissons actuellement une révolution numérique et digitale. Comme toute évolution ou révolution, elle s'accompagne fatalement de craintes et de peurs de ce qu'elle risque d'engendrer : perte de repères, diminution des relations sociales (alors qu'elle prétend les faciliter avec les réseaux sociaux), remise en cause de certains emplois par l'exploitation de l'intelligence artificielle dans l'industrie ou l'armement, de la robotisation, perte des émotions... Avec un patronyme tel que Computers Kill People, le groupe français ne pouvait pas mieux trouver pour correspondre à ce constat amer.
Comme une réaction épidermique à la froideur du numérique, la musique du power trio épouse le style profondément humain et énergique du stoner dans une formation revenant aux fondamentaux et dans son plus simple appareil. "Healing Bruises" est un EP de trois titres seulement et sans doute la première pierre d'un édifice plus large. Ces meurtrissures se traduisent par un son garage, sonnant un peu vintage dès l'entame de l'album avec 'Only The Dead', au ton agressif incarné par des guitares acérées aux riffs à la Black Sabbath ou Queens Of The Stone Age. 'Sunset Kiss' débute de manière anxiogène et se veut plus pesant avec un style qui se fait plus dur et oppressant, plus gras dans les couplets qui contrebalancent un refrain plus lumineux et catchy. La voix de Ludwig se dédouble en étant à la fois rauque et claire dans les chorus plus harmoniques du titre. 'The Day I Knew' quant à lui commence par prendre le contrepied avec une atmosphère presque mélancolique qui mue en un climat plus malsain par la suite, presque punk rock avec des lignes de chant revendicatives clamées haut et fort par le chanteur guitariste, un peu à la Foo Fighters
Avec un son authentique trouvant sa source dans les racines du rock, dans l'énergie que dégage le style un peu perdu parfois aujourd'hui dans des ajouts electro ou robotiques, Computers Kill People s'offre avec cet EP une belle carte de visite intéressante qui promet une suite placée sous les meilleurs auspices.