Si certains groupes semblent composer comme ils respirent, enchaînant les parutions d'albums en encourant le risque de sacrifier la qualité à la quantité, d'autres adoptent un rythme bien moins effréné. C'est le cas de The Random Theory, un groupe originaire de Baltimore qui nous propose avec "To Suffer Fools Gladly" son quatrième album en 16 ans (les meilleurs en mathématiques auront calculé la moyenne d'un album tous les quatre ans, félicitations à eux !).
Il suffit d'un coup d'œil à la lugubre pochette toute en lignes noires et blanches représentant un étrange personnage dont on ne sait s'il se transforme en arbre ou s'il se fait engloutir par quelques maléfiques racines pour comprendre que la musique risque d'être plutôt sombre. Et sans surprise, le ramage correspond au plumage. La joie de vivre n'est guère présente tout du long des 11 chansons qui constituent cet album. Chant grave et désenchanté évoquant parfois Kurt Cobain, guitares et basse aux riffs lourds et accordées bas, mélodies volontiers minimalistes faites de thèmes cycliques, l'album suinte la mélancolie par tous les pores, instaurant une ambiance dérangeante et désespérée.
Si le mid-tempo est la vitesse d'exécution la plus souvent utilisée, "To Suffer Fools Gladly" ne manque pas pour autant de dynamisme. En jouant sur le contraste entre l'intimisme d'un chant feutré sur fond d'arpèges fantomatiques et l'intensité de passages interprétés par un chant rageur, une guitare saturée et une batterie qui pilonne, le groupe réussit à ne jamais ennuyer malgré le caractère un peu monolithique de l'album.
Si les compositions se ressemblent un peu, une impression notamment due à la trop grande générosité de The Random Theory qui aurait peut-être été bien inspiré de faire quelques coupes dans un album un peu long, la solidité de l'interprétation et la qualité des mélodies compensent ce léger défaut. 'Sister Josephine' en est un exemple parfait, avec son air cyclique et addictif mais alourdi par un final sans grand intérêt.
Néanmoins "To Suffer Fools Gladly" réussit par sa grande homogénéité à installer une atmosphère sombre et mélancolique dans laquelle on se complaît avec un certain masochisme. 'Ideologue' et son doom à la Black Sabbath, 'Wait for my Signal' et son désespoir malsain à la Alice Cooper des premières années ou 'House of Chances' mélangeant ces deux références à un peu de Led Zeppelin méritent à eux seuls d'accorder un peu d'attention à cet album.