S'il est un groupe qui ne se casse plus la tête pour trouver le titre de ses albums, c'est bien Focus. Après "Focus 8", "Focus 9", "Focus X" (admirez la variante !) et même un "Focus 8.5" (quand même sous-titré "Beyond The Horizon"), le groupe hollandais revient en ce début 2019 avec un logique "Focus 11".
Sept ans ont coulé sous les ponts depuis "X" mais le line-up n'a pas changé. Le style non plus d'ailleurs, si ce n'est que "Focus 11" est plus instrumental que son prédécesseur, n'offrant qu'un seul titre chanté ('How Many Miles?') évoquant par son atmosphère le Soft Machine des premiers temps. Toutes les compositions jouent dans la même cour : un progressif déluré, vagabondant au gré de mélodies vives et insouciantes, parfois baignées de touches folkloriques ('Heaven') ou jazzy ('Mazzel', l'aventureux 'Mare Nostrum'), ou d'autres nimbées d'une tendre mélancolie ('Theodora Na Na Na' dont le titre pouvait laisser craindre la résurgence d'un humour potache dont Focus est friand mais auquel il a fort heureusement renoncé sur cet album, 'Winnie' rêveur et romantique).
De l'album s'écoule ainsi une musique qui s'écoute avec plaisir tant elle déroute tout en restant accessible, à la fois légère, variée et assez addictive, faisant intervenir de nombreux instruments et mélangeant de nombreux thèmes dans une absolue décontraction et une parfaite fluidité. Toujours à mi-chemin entre prog pur et jazz rock, les musiciens font preuve de leurs qualités techniques en délicatesse, enchevêtrant leurs mélodies dans des motifs compliqués et soyeux sur une base rythmique solide et inventive, n'évitant pas toujours de sombrer dans la pure démonstration ('Palindrome').
"Focus 11" est un album peuplé de mélodies easy listening et cosy, de ces musiques d'ambiance au sens noble du terme, qu'on peut se mettre en fond sonore mais qui participent à la convivialité du moment. Le seul vrai reproche est certainement lié au peu (voire pas) d'émotions que cette musique dégage. Sinon, c'est bien joué, bien composé, suffisamment complexe pour éveiller l'attention et suffisamment mélodique pour ne pas effaroucher. Une musique d'ambiance de grande classe qui replonge l'auditeur dans les années 70.