Si une grande partie des groupes norvégiens proviennent d’Oslo ou Bergen, il est injuste de passer sous silence l’influence d’autres régions de Norvège dans le vivier des musiciens créatifs que ce magnifique pays offre au monde du metal. Originaires de Tromsø, à l’orée du cercle polaire arctique, les musiciens de Vederkast ont fait de la mythologie scandinave une source d’inspiration et de la rudesse de leur climat la substance de leur humeur mélancolique. Il y a trois ans les Norvégiens sortaient leur premier album "Northern Gothic" qui donnait une idée bien précise de leur style à l’interface de plusieurs variantes du metal. "And In The Abyss They Sleep" capitalise sur ce référentiel en affirmant plus précisément la teneur de chacune de ces composantes.
Vederkast est fondamentalement heavy. Il suffit pour s’en convaincre de juger de son art du riff inspiré et tranchant qui ouvre et signe la quasi-intégralité des titres ou de la qualité mélodique injectée dans chacun des refrains qui émaillent le disque. C’est dans le cœur du disque que le visage le plus direct et radicalement heavy de Vederkast se montre avec la lumière la plus crue car les Scandinaves y trouvent un équilibre simple mais efficace entre des séquences claires et calmes, notamment pendant les couplets, et des ruptures plus puissantes dans les refrains (‘Searching’). Ils manient avec talent les belles harmonies mineures sans complexité excessive (‘In The Waves’) et ponctuent leurs ossatures d’un emballement tout sludge (‘Yearning’).
La filiation progressive est plus ambiguë à appréhender, et bien que le groupe la tutoie ponctuellement, il serait exagéré de les affubler de cette épithète sur la totalité du disque. Par exemple, dans les dix minutes que dure ‘Echoes Diminish’, un nombre important est dévolu au développement d’inspirations instrumentales via un pont et une succession de soli de guitares mais les constructions restent assez classiques et la volonté des Norvégiens s’apparente plus à permettre à l’intensité de se déployer que de démontrer une quelconque virtuosité harmonique. Le début du disque se place dans cet esprit avec des compositions amples, massives et chargées émotionnellement dans lesquelles la mélancolie côtoie la fureur et que Vederkast n’hésite pas à agrémenter de subtils arrangements de cordes (la rocailleuse ‘Hope Lost’ et la poignante ‘Reflections Linger’).
C’est dans son cheminement final que le disque prend une dimension supplémentaire. D’abord avec le dantesque ‘Blindfolded’, éclatant d’évidence mélodique et qui s’enrichit d’une grandeur épique dans son ascension terminale. Mais c’est surtout ‘In The Abyss They Sleep’ qui se démarque, avec son ambiance mystérieuse, presque mystique, et la variété de ses agencements, et cristallise véritablement la fibre la plus progressive de Vederkast.
A travers ce second disque, Vederkast confirme la voie qu’il avait commencé à débroussailler dans son premier album "Northern Gothic", quelque part dans les interstices entre le stoner, le heavy, le metal progressif et le metal atmosphérique, et démontre une fidélité intangible à ce positionnement. Là réside sa signature personnelle et une partie de l’explication de l’aspect monolithique de l’œuvre présente, bien que sa profonde dimension mélodique facilite grandement son approche. Avec ce solide second album, Vederkast renforce son statut de groupe au fort potentiel et il pourrait encore gagner en intérêt si les signaux, encore timides mais réels, envoyés dans la fin du disque et qui vont dans le sens d’une évolution vers plus de sophistication, se confirment dans le futur.