Les vieux ont la peau dure. Il suffit de voir Overkill pour mesurer la longévité d'un grand nombre de groupes qui affichent facilement plusieurs décennies au compteur. A croire que le metal, extrême notamment, est une source de jouvence. Les New-Yorkais sont donc toujours là, autour de l'indéboulonnable duo que forment le hurleur Bobby "Blitz" Ellsworth et le bassiste D.D Verni.
Non contents de maintenir une production régulière et de qualité depuis trente-cinq ans d'un activisme qui force le respect, ils semblent même avoir mangé du lion ces dernières années qui les ont vu enquiller certains de leurs albums les plus agressifs (et les plus jubilatoires), à l'image du récent "The Grinding Wheel". Si le recrutement de Jason Bittner (Shadows Fall, Flotsam And Jetsam) comme nouveau cogneur, en remplacement de Ron Lipnicki, ne bouleversera pas la signature des thrashers, on peut cependant affirmer qu'il n'est pas étranger au regain de puissance dont est gorgé le bien nommé "The Wings of War", lequel poursuit une œuvre pourtant placée sous le signe d'une éternelle énergie abrupte et bitumeuse.
Certes, ce vingtième opus ne surprendra pas les aficionados, habitués aux vocalises haut perchées, dignes d'une sulfateuse, du père Bobby sur lequel le temps ne semble avoir aucune prise, mais il ne les décevra pas davantage, remplissant un menu trapu et tendu comme la corde d'un arc que ne grève aucun temps mort ni baisse de régime. Selon sa redoutable habitude, Overkill met d'emblée les poings sur les 'i'. Introduit par un long et dévastateur démarrage que bétonne la frappe lourde de Bittner, 'Last Man Standing' déboule ainsi à cent à l'heure, jumelant accroches hargneuses et mélodies nourries au sein du pur heavy metal.
S'ils ne quittent jamais leur pré-carré, les Ricains ont trop de métier pour se satisfaire d'une resucée de leurs disques précédents, aussi imparable soit-elle. De fait, "The Wings Of War" ne se contente pas de foncer pied au plancher en martelant un bon vieux thrash des familles - ce qui suffirait néanmoins à notre bonheur - mais n'hésite pas à se tailler un chemin sinueux au milieu d'un bellicisme saignant. Souvent reptilien, le groupe excelle à dévider de menaçantes atmosphères dont la quatre-cordes de l'inusable D.D. Verni est le funèbre scalpel ('Where Few Dare To Walk'), ou à s'enfoncer dans de pesants et sombres marécages ('Head Of A Pin', 'Hole In My Soul' et leurs préliminaires malsains).
Aux côtés de saillies classiques bien que d'une efficacité rigoureuse aux allures de rouleaux-compresseurs ('Bat Shit Crazy', 'Out On the Road-Kill'), se glisse un curieux 'Welcome To The Garden-State' aux relents punky tandis que 'Distorsion' s'ouvre sur des lignes de guitare étonnamment lumineuses, prémices toutefois à l'un des titres les plus noirs du lot que sabrent de salvatrices morsures heavy.
Dressant les couleurs d'une inspiration robuste, "The Wings Of War" n'est pas un album de plus dans l'imposant râtelier des New-Yorkais grâce auquel ils continuent non seulement de bâtir leur légende mais aussi d'en remontrer à la jeune génération. Décidément, les vieux ont la peau dure.