Il est devenu désormais rare que des groupes contemporains sortent un album complet dès leur premier essai. Le standard pour se faire connaître du public semble être devenu la sortie d'EP composé seulement de quelques titres, processus qui a le mérite de pouvoir expérimenter le style, d'être un laboratoire sonore et qui permet d'être plus présent à intervalles plus rapprochés. Alors quand un combo propose d'emblée la production d'un album complet, cela attise forcément la curiosité et suscite un intérêt grandi. C'est un peu tard que nous découvrons Moonshine Blast, groupe francilien qui a proposé plus tôt dans l'année son premier album "Reality Fear" composé de dix titres pour plus d'une heure de musique.
Autant le dire tout de suite, il eut été fort dommage de passer à côté de ce premier album tant il est de qualité. Comment se mesure ce degré de qualité affirmatif nous direz-vous ? Une première réponse est apportée par cette envie irrésistible d'y revenir après une première écoute. Car une fois parvenu à la fin, une subite envie d'appuyer sur play à nouveau guettera l'auditeur. Moonshine Blast a pris le pari assez osé de proposer deux styles de compositions d'apparence opposée mais qui se révèlent au final très complémentaires : comme la lune, le disque dispose d'une face sombre, plus difficile à percevoir avec des morceaux progressifs et d'une face plus lumineuse avec des titres plus accessibles et immédiats.
Mais plutôt que de décoller vers la lune, c'est en direction de 'Mars' que débute ce voyage spatial et musical. Ce titre construit tout en progression, soulignée par des nappes de claviers à faire pâlir d'envie Mark Kelly ou Clive Nolan et une guitare relativement discrète qui pose l'ambiance néo feutrée plutôt que d'être démonstrative, possède un refrain totalement irrésistible qui vient parachever des couplets aux lignes de chant bien pensées. Après ce prélude, Moonshine Blast propose tout de suite sa deuxième facette plus immédiate avec 'We Want This World To Be Better' aux atours rock FM qui se rapprochent un peu des climats proposés par Toto. Même si la production paraît un peu compressée et étouffée, elle n'enlève en rien au plaisir d'écoute que l'auditeur pourra ressentir. Ainsi, 'Golden Road' met en valeur le travail sur la recherche mélodique qui est le fil rouge de cet album avec la guitare qui s'exprime dans un solo à la fois plein de sensibilité et endiablé.
Le point d'orgue du disque est atteint par le morceau 'Cutting The Rope' qui démontre tout le savoir-faire du groupe pour des morceaux à tiroirs. La première partie du titre est un acoustique génésien de toute beauté construit tout en arpèges qui tout doucement se mue en une deuxième partie électrique et plus brute que viendra conclure une nouvelle fois la guitare par une intervention pleine de feeling tout en étant plus agressive et quelques growls inattendus qui, si ils avaient été plus présents, auraient permis d'accentuer la dualité du titre construit entre mélancolie et puissance. Après ce morceau dense, 'The Gate Of Dawn' montre en sept minutes un visage du groupe plus classique avec une rythmique relativement plus accentuée et la guitare au touché toujours prégnant dans une ambiance qui rappelle Pendragon dans son versant plus pop.
Outre ces titres qui s'inscrivent dans une veine neo prog et relativement longs, Moonshine Blast enchaîne quatre titres plus concis dont le mémorisable 'You Don't See Me' à l'atmosphère brit pop qui possède tous les atouts d'un hit en puissance, 'Dusty Lady' plus subversif qui démontre encore une fois que le groupe à beaucoup d'atouts dans sa manche ou 'Leaving The Way Home' à la rythmique sautillante qui fait songer un peu à The Police. "Reality Fear" se termine comme il avait commencé, avec un titre progressif aux cassures nombreuses oscillant entre moments éthérés et mouvements dynamiques notamment dans le chorus.
Malgré ses quelques défauts de production et maladresses (growls quelque peu incongrus et peut être sous-exploités), "Reality Fear" montre l'osmose qui existe dans le groupe où chacun est au service du combo et de la musique. Au final, ce premier album, mélodique, varié est d'une qualité rare et vous entraînera dans des mélopées pop rock attachantes et des compositions progressives bien maîtrisées. Le groupe est promis à un bel avenir.