Le blocage parental de mon ordinateur m´a détesté. Et pour cause, le patronyme de cette formation lyonnaise fait rêver, fantasmer mais également dégoûter et voir rouge. Porn a placé une caméra au plus profond de notre être, enregistrant les fluctuations de nos cellules grises avec une prédilection pour les bas instincts. La bande-son de ce voyage dans l'inconscient, plus intellectuel que sexuel, est à l'image des révélations qui en émergent : lourde, inquiétante mais également gothique. Après s´être plongé dans les entrailles de la bête avec ''The Ogre Inside'' nourri par les romans d'anticipation de Philippe Deschemin son leader, Porn écrit une nouvelle page à l'encre sulfureuse.
A peine lancé, l'opus se retourne contre l'auditeur et menace de lui sauter à la gorge. Quoi de plus ironique que de débuter un album sur cette inquiétante injonction : "Choose Your Last Word'' ? Cette première piste nous permet de prendre la température de la marmite dans laquelle nous allons être bouillis. Un metal s'industrialise à une vitesse oppressante, mené par une voix grave masculine qui nous invite au plus profond d'un donjon. Si cette voix obéit aux canons du genre, n'hésitant pas à growler (en fait en gelant la note), elle ne tombe pas dans le piège d'éructer comme un énième barbare barbu. Les guitares écrasent des pans de murs pour nous y ensevelir ('Here For Love'), le clavier servant souvent de rabatteur ('My Rotten Realm'). L'un des sommets de l'album 'Eternally In Me', qui pourrait être une confession des désirs cannibales de son auteur, est renforcé par sa boucle synthétique, programmée à l'infini par un esprit malsain, sur laquelle se pose une voix sale et monstrueuse.
Mais Porn possède un autre charme magnétique, les morceaux jouant à se travestir comme dans un drôle de carnaval. Saisissant d'entrée son domino metal brutal, 'Here For Love' se démasque et dévoile une face harmonique, sensuelle, les claviers offrant une touche lumineuse sinon planante; on regrettera toutefois les apartés vocaux qui s'ils soutiennent le concept et théâtralisent l'ensemble paraissent plutôt artificiels. A l'inverse, 'The Radiance Of All That Shines' muscle son univers éthéré. La musique de Porn révèle un déséquilibre constant entre le conscient et l'inconscient, le bruit et l'apaisement, comme si le tueur, après avoir pris conscience de son acte, éprouvait quelques remords, gardant au plus profond de son cœur le souvenir du dernier regard de sa victime... Cette fissure se retrouve sur 'Abstinent Killer' où les deux voix fusionnent. 'Evil 6 Evil' et 'Tonight Forever Round'se présentent comme des ballades, la première irradiée par les claviers et une voix implorante, la seconde ouvrant un peu de ciel bleu (on sent ici l'influence mélodique de Cure), guitares majestueuses et batterie relâchée, étirant ensuite son propos synthétique (proche de Nine Inch Nails) sur la piste suivante. On pourrait toutefois regretter les longueurs de l´album, une ou deux chansons auraient aisément pu être sectionnées au scalpel.
Explorant les désirs humains les plus sombres, Porn réalise un album aux rythmiques oppressantes mais séduisant toujours par ses moments planants et sa voix parfois implorante, témoignant de toute la bipolarité de nos êtres. Amateurs de musique lourdes mais sensuelles, ne passez pas votre chemin!