La musique rock de ces dernières années a vécu une évolution 2.0 avec notamment le digital et la musique assistée par ordinateur avec la multiplication de logiciels plus ou moins intuitifs. Le style mue avec moult effets électroniques pour sonner plus moderne, au moins contemporain. Mais il y a encore des groupes qui font de la résistance et maintiennent l'héritage des Stooges, Sonic Youth, AC/DC, Motörhead et bien d'autres. Non pas qu'ils veuillent, avec leur atmosphère vintage, avoir comme objectif de simplement se démarquer de la mode actuelle ambiante mais parce qu'ils trouvent en cette musique l'énergie brute et sans fard toute sa saveur avant tout subversive, puissante tout en étant dépouillée.
Revenir à l'essentiel, c'est ce que propose Visavis, sans pour autant faire passéiste et passer pour des ronchons. Il ne faut pas se méprendre, tel n'est pas le propos de "War Machine". Au contraire, le but des membres du groupe est de faire la musique qu'ils aiment depuis leurs plus de trente ans de carrière et d'embarquer l'auditeur en quête des racines profondes du rock. Et il va être servi : cette demi-heure est bourrée de riffs prêts à rallumer les braises encore brûlantes du power rock presque éteint de nos jours alors qu'il en a pourtant encore à dire.
"War Machine" ne fait pas dans la dentelle ni dans la fioriture, les neuf titres ne dépassant qu'une fois les quatre minutes. C'est direct dans la face que débarque 'Hey Jack' comme un avertissement lancé, du style : "Tu vas prendre cher !" et ça se confirme avec 'Black Holes' qui accentue l'ambiance lourde et puissante avec des riffs plus appuyés dotés d'une certaine pointe catchy, relevés par un refrain entêtant porté par la voix rauque et éraillée de Régis Bouyge (Lemmy, sors de ce corps !). Le chanteur et guitariste balance des accords de tonnerre façon power rock notamment dans 'Give The Boys a Chance' avec quelques courts solos qui auraient peut-être mérités d'être un peu plus développés.
La rythmique joue un rôle primordial notamment dans le jouissif et jubilatoire 'Don't Turn Around' qui porte bien son nom. La basse s'emballe, tressaille autour d'une batterie martiale et métronomique. Tous les titres possèdent une âme qui, en live, prendront sans nul doute relief et énergie. Le solo de guitare final est là pour le prouver avec son aspect bluesy de haute volée. Le point culminant de cet album reste 'Mine Tonight' qui démarre comme une ballade avec un petit air d'harmonica à la manière de Springsteen pas piqué des vers, mais le rock revient de plus belle, façon "chassez le naturel il revient au galop", dont l'intérêt est tempéré par un sentiment répétitif du mouvement. La surprise vient de 'From LA' qui propose une ambiance plus groovy sous couvert de couplets rock californien musclé et un refrain qui rappelle l'âpreté du rock.
"War Machine" montre qu'après plus de trente ans de carrière, on peut encore sortir des disques intéressants. Avec son rock authentique, le trio corrézien est habité par l'âme des plus grands et parfois disparus (Motörhead, AC/DC). Son rock sent le vieux cuir des fauteuils Chesterfield et la fumée des pubs anglais, de la bonne musique tout simplement.