"Seeress", c'est déjà un magnifique artwork, que signe Adèle Mildred, dont les aplats à la fois sombres et psyché résument plutôt bien ce qu'il y a derrière. Derrière, c'est justement le deuxième effort de Fiend. Nous pourrions mentir et affirmer que nous l'attendions depuis longtemps, depuis 2013 et un "Onerous" remarqué. En réalité, il a fallu que Deadlight mette la main sur le groupe pour que nous commencions à nous intéresser à son cas. Honte à nous car le potentiel est là, énorme et envoûtant.
Qu'il ait dans ses rangs un ancien Treponem Pal, le gratteux Michel Bassin, cela s'entend car Fiend franchit allègrement l'indus donnant l'impression d'être le fruit de l'hybridation pesante et malsaine entre des sonorités froides presque robotiques et des atours velus et heavy hérités d'un stoner doom façon Cathedral. Ce qu'on obtient est forcément massif, écrasant mais aussi plein d'une rondeur grumeleuse. Fidèles aux tables de la loi qui régissent le genre, faites de guitares mazoutées ou de vocalises qui sentent le cannabis, "Seeress" échappe pourtant aux stéréotypes attendus. Peut-être parce que ses géniteurs ne sont pas issus du moule sabbathien.
Aux côtés de Bassin, le chanteur Heitham Al-Sayed façonne du metal fusion avec Senser tandis que le bassiste Nicolas Zivkovich tricote du post rock avec DDENT. S'il nous est inconnu, le batteur Renaud Lemaître excelle cependant dans son rôle, propulsant l'ensemble avec son groove d'enclume mangeur d'espace, témoin ce 'Morning Star' plus industriel que doom, qui amorce l'écoute sur une note oppressante que teintent néanmoins des lueurs chamarrées. En fait, cet opus n'emprunte jamais le chemin qu'on imagine le voir prendre.
'Ancestral Moon' est sabré par un solo tellurique que ne renierait pas Tony Iommi mais sa basse gourmande et son tapis électronique viennent parasiter son canevas stoner. 'Vessels' brille d'un pur éclat psyché alors que 'Pillars' pousse les portes d'un caveau, théâtre lui aussi d'une longue saillie électrique digne du Cathedral de "The Carnival Bizarre". Quant à '5th Circuits', ses claviers chauds et humides le parent d'oripeaux seventies. Tous ont en commun une lourdeur implacable qui se conjugue à des ambiances vicieuses et corrompues dont 'Crown of Birds' et surtout 'The Gate' (plus de 13 minutes au garrot quand même) forment le réceptacle étouffant et néanmoins jamais monotone et encore moins monolithique grâce aux nombreuses nuances qui le fissurent.
Nombreux sont ceux qui découvriront Fiend avec ce "Seeress" qui allie la force désincarnée du metal indus aux rondeurs colorées d'un stoner doom rampant.