Yarol Poupaud possède déjà une belle et riche carrière construite au fil des années. Membre du groupe fer de lance du funk à la française FFF avec Marco Prince, mais aussi de MUD, Black Minou et Heartbreak Hotel, il a été surtout pendant ces dernières années le directeur musical et guitariste attitré de Johnny Hallyday. Il y a un peu plus d'un an maintenant que l'idole est décédée. Alors plutôt que de pleurer dans son coin puis de s'engouffrer dans la brèche grande ouverte et tentante des hommages posthumes qui pullulent avec plus ou moins d'honnêteté en sortant un disque à l'image du rockeur disparu, Yarol s'est plongé dans un projet solo quasiment aux antipodes de celui qu'il a accompagné et aidé entre 2012 et 2017.
Mais ce parcours de 7 ans avec l'idole des jeunes a laissé des marques légitimes comme il le dit lui-même : "Johnny m'a surtout fait réfléchir à la façon d'interpréter du rock en français car lui le faisait sacrément swinguer". Pour autant, l'album n'est pas un album de guitariste, ce qui aurait pu être perçu comme un tribute band, c'est un album de musicien qui va comme un gant à Yarol. L'application de la déclaration sur le rock en français reste donc à la marge dans cet album puisque deux titres sont chantés entièrement dans la langue de Molière en s'incarnant d'abord dans l'introductif 'Sale' écrit par Benjamin Biolay. La musique est entraînante, résolument funky rock avec cette guitare qui épouse le rythme chaloupé africain que vient agrémenter un petit solo finement ciselé à la manière des derniers travaux de Mathieu Chédid. 'Girls', le second morceau français, est assez drôle avec ses claviers typés années 80 que l'on croirait sortir d'un générique de dessin animé de l'époque et qui donnent au titre un attachant petit côté désuet plein de charme.
"Yarol" donne le sentiment de vouloir s'émanciper de ces dernières années de rock et de ne pas surfer sur le buzz. La démarche est authentique avec toutes les qualités de directeur artistique. L'auditeur pourra le percevoir dans les titres arrangés finement avec des interventions de cordes qui apportent un côté soul à la musique de Yarol, comme dans le séduisant et sexy 'Caroline'. L'album explore des contrées boogie rock avec le bien nommé 'Boogie With You' agrémenté de quelques touches un peu electro qui modernisent le tout, même si dispensables. L'un des morceaux phares reste le très rythmé et presque disco 'What Am I Supposed To Do ?' avec ses percussions à la 'Supernature' de Cerrone.
Les expériences de Yarol dans ses anciens groupes ressortent, notamment dans le très FFFien 'Bad Habit' constituant un des titres phares de l'album, auquel succède le touchant et plus posé 'The End Of The World' qui tutoie mine de rien un peu Dredg, groupe que Yarol ne doit pas connaître. Ce titre est sans doute le plus beau de l'album malgré des cordes un peu trop présentes.
Ce disque est franchement très agréable à écouter et vous fera à coup sûr passer un très beau moment, pour peu que vous ne vous attendiez pas à du "rock à Billy". Yarol s'y recentre sur lui-même, revenant à ce qui fait son ADN. Cet éponyme constitue une sorte de catharsis après avoir perdu peut-être un mentor mais avant tout un homme dont la perte l'a forcément touché, vis-à-vis de laquelle il réagit avec pudeur et à hauteur d'homme.