26 Août 2000 : le corps sans vie d’Allen Woody est découvert dans sa chambre d’hôtel, victime d’une overdose. Sous le choc de ce drame, Warren Haynes et Matt Abts se posent la question de continuer ou non l’aventure Gov’t Mule. En attendant, les deux compères décident de rendre un hommage à leur camarade disparu et contactent de nombreux bassistes que Woody admirait. C’est ainsi que parait "The Deep End" en 2001, bientôt suivi d’un deuxième volume en 2002. Le principe de ces albums est d’interpréter une trentaine de titres avec des bassistes différents ainsi que d’autres invités faisant partie de la sphère musicale du groupe. Etant donné l’ouverture d’esprit de l’ex-trio devenu momentanément binôme, il n’est pas étonnant de constater l’étendue artistique de cette sphère, mais nous reviendrons sur ce point plus tard. C’est le coffret paru en 2002 et regroupant les deux volumes de "The Deep End" auxquels a été rajouté un troisième disque rempli de bonus essentiellement live, que nous allons vous présenter.
Bien sûr, avec 34 titres au total, 25 bassistes différents et une brouette d’invités, nous ne pourrons pas citer chaque pièce de ce pavé aussi imposant que riche. Il serait cependant dommage de passer sous silence quelques monuments incontournables profitant des interventions de sommités la plupart du temps à la hauteur de leur réputation. Tout commence d’ailleurs avec un ‘Fool’s Moon’ à la puissance et à l’énergie rappelant l’influence de Cream sur Gov’t Mule. Jack Bruce s’investit aussi bien dans le chant que dans les lignes de basse pour une grosse claque dont il sera difficile de se relever. Même chose après ‘Same Price’ avec John Entwistle (The Who) sur lequel Matt Abts se fait tentaculaire à la manière d’un Keith Moon. ‘Worried Down With The Blues’ voit la famille du Allman Brothers Band se regrouper pour honorer leur ami disparu pour une pièce gorgée de feeling en compagnie de Oteil Burbridge (basse), Gregg Allman (chant et claviers) et Derek Trucks (guitare slide). Enfin, avec ‘Catfish Blues’, la présence de Billy Cox n’est bien sûr pas étrangère à l’ombre de Jimi Hendrix sur l’adaptation root et imparable de ce titre traditionnel.
Plus surprenante est le reprise urbaine et soul du ‘Down And Out In New York City’ de James Brown avec un Flea (Red Hot Chili Peppers) félin. De son côté, ‘Trying Not To Fall’ tremble sous les coups de boutoir d’un Jason Newsted (ex Metallica) à la hauteur de sa légende. Divisé en deux parties, ‘Greasy Granny’s Gopher Gravy’ se révèle totalement déjanté, ce qui n’est pas surprenant avec un Les Claypool (Primus) à la basse, au chant et à la composition. A signaler également quelques expérimentations progressives réussies sur ‘World Of Confusion’ en compagnie de Tony Levin (King Crimson, Peter Gabriel, Liquid Tension Experiment) et Gary Lucas (Captain’s Beefheart), ou sur l’instrumental ‘Sun Dance’ avec Chris Squire (Yes). Enfin, il serait dommage de négliger les petits bijoux jazzy que sont les instrumentaux ‘Sco-Mule’ avec Chris Wood (Medeski Martin & Wood) et un Matt Abts toujours aussi impressionnant, et ‘Babylon Turnpike’ avec Alphonso Johnson (Santana, Phil Collins…).
Ne citer que ces titres est une injustice puisque de nombreux autres méritent que vous vous y attardiez, mais ces exemples sont autant d’occasions d’en prendre plein les oreilles avec gourmandise et émerveillement. Au-delà de la qualité de cet hommage, "The Deep End" permettra à Gov’t Mule de continuer l’aventure avec, entre-autres, le claviériste Danny Louis déjà présent sur plusieurs titres et dont la complicité avec Warren Haynes semble déjà évidente. Voici donc une œuvre monumentale dans tous les sens du terme, à côté de laquelle tous les amateurs du genre et de cette formation hors-normes en particulier, ne devront pas passer.