Nightrage est né en Grèce des mains de Marios Iliopoulos (ex Exhumation) il y a deux décennies. Après huit albums ayant connu des fortunes diverses, après des remaniements de personnel, après un “Venomous” qui avait divisé les fans, la formation revient avec son nouvel opus “Wolf To Man”, invitation à une mutation trans-animale. La bête voudrait s'y déchaîner comme chez Carcass ou Arch Enemy, répandre sa mélodie, puis imposer sa violence épaisse et sa force bestiale.
Bête, loup courant à perdre haleine dans une nature vierge, laissant ses traces dans une neige poudreuse immaculée, Nightrage personnifie le loup autant que l’aigle royal, qui s'envole comme parfois s'élèvent les pistes de l’album. C'est ainsi que malgré la fureur, et peut-être pour laisser un souvenir apaisé, l’opus s’évanouit sur la note mélancolique d’une guitare raffinée qui tisse une toile piquée de notes cristallines (‘Lytrosis’). ‘Embrace The Nightrage’ est quant à lui intense et bien que classique, il permet à l’opus de démarrer en trombe. ‘Wolf To Man’ est baigné de plomb, le chant y est colérique, l'ambiance douce, grâce à des guitares feutrées. ‘Disconnecting The Dots’ simple et beau, sort du lot : c'est une composition qui restera dans les mémoires. ‘Starless Night’ construit une mélodie émouvante... L’émotion est donc au rendez-vous sur ces pistes !
Puis le volatile flotte sans effort au gré de courants aériens, fier et triomphant. ‘Arm Aim Kill’ propose une partie planante qui démontre le savoir-faire du groupe, même si la composition est calibrée et sans surprise. ‘By Darkness Drawn’ débute en douceur alors que le refrain est dans la plus pure tradition du death mélodique. ‘God Forbid’ est également classique, proche de Dark Tranquility. Le groupe assure comme une bête, même sur des pistes classiques, si bien qu’on se demande s’il n’essaie pas de sauver sa réputation coûte que coûte.
Enfin ce rapace, trahi par ses muscles fébriles, chute ; il dégringole, part en vrille, inverse in extremis sa trajectoire, évite le pire à quelques centimètres d'un sol de glace. ‘Escape Route Ion’ débute ainsi par une introduction classique, mais la piste semble manquer de relief et de punch. ‘Gemini’, malgré son intensité est encore assez classique. C'est sur ces pistes presque communes, en tout cas plus impersonnelles et finalement très ordinaires, que Nightrage laisse retomber l'attention et ainsi irrite parfois l'amateur !
“Wolf To Man” est un album entre douceur et poésie, entre aigreur et furie. Certes les mélodies tombent à pic, mais l’opus manque de hargne et peine parfois à convaincre. Son style mélodique semble dorénavant être vierge de toute noirceur, transgression ou folie. “Wolf To Man” n'échappe pas à une entreprise de lissage du genre, car il ne montre pas ses canines, ne repousse pas les limites de sa colère. Même s'il laisse parfois planer le souvenir de pistes réussies, la hargne de ce loup s'évanouit, la nuit laisse place à une pâle obscurité, alors que la rage se dissout au profit d'une colère de façade.