Parfois proche de son compatriote Sarke, Slegest a trouvé une recette, à base de black metal, de heavy et de hard rock, qu'il cuisine depuis 2010 avec une réussite certaine, donnant ainsi raison à Stig Ese, son principal instigateur, d'avoir lâché un Vreid dont il fut cinq ans durant le guitariste et qui de toute façon n'a jamais su (ou pu) remplacer Windir des cendres duquel il est issu. Y assurant en plus de la six-cordes, le chant, qu'il a rugueux et biberonné au Destop, le Norvégien a clairement trouvé son style avec ce projet tout d'abord solitaire mais qui s'est peu à peu mué en un véritable groupe, froide machine de guerre aux allures de Panzer labourant les chemins polonais pendant la Seconde Guerre mondiale.
Succédant à "Loyndom" (2013) et "Vidsyn" (2016), rondelles de bonne mémoire, "Introvert" creuse sans surprise ce même sillon à la fois accrocheur et rampant. Si la voix de gargouille du maître des lieux taille au burin dans la roche glacée des lambeaux de black metal, guitares et rythmique injectent une bonne dose de mélodie à un ensemble remuant, qui donne envie de taper du pied ('Undergangens Tankesmed'), black'n'roll pour sucer des bières et lutiner des filles. Cela pourrait être graisseux et sentir sous les bras mais possède en réalité toujours le tranchant d'un relief granitique abrupt. Plus que l'huile de vidange, Slegest sent donc les résineux et évoque les fjords éternels.
Comparé à ses deux aînés, "Introvert" largue les amarres du doom qui en formait le socle, pour accoster des terres toujours aussi acérées mais tout simplement plus rock, comme l'illustre d'emblée 'Blodets Varme Gjennom Meg' qui pourrait (presque) être le fruit de la copulation fiévreuse entre AC/DC et le Darkthrone dernière période. D'une manière générale, ce troisième album dresse avec sa hampe implacable des couleurs furieusement mélodiques, à l'image de ce 'Maler Lys i Mørketid', lui aussi secoué par des saillies électriques que ne renieraient pas les Kangourous.
Ce qui n'empêche jamais les Norvégiens d'appuyer sur l'interrupteur ('Den Onde Sirkel'), plongeant alors dans les profondeurs d'une eau sombre. Ni le goût pour les modelés reptiliens ('Da Brenne i Glåsi') ni les riffs obsédants échappés du blizzard ('I Den Sanne Flamme') ne les ont déserté non plus, forgeant ainsi l'alliage parfait et venimeux entre art noir minéral et heavy metal nerveux.
Dans la continuité imparable de ses devanciers, "Introvert" ne surprend pas mais, les veines gelées et grondant d'une tension souterraine, il continue de forer cette terre aussi froide qu'endiablée.