Pour son premier album, Damanek (contraction du nom de ses trois fondateurs) avait alerté la communauté progressive avec une production à la croisée d'Unitopia et Toto. La référence à feu le groupe australien qui nous a ravis dans les années 2000 n'est pas anodine : c'est tout simplement qu'avec "In Flight", et encore plus que Southern Empire ou UPF, Damanek se pose en digne successeur de la formation menée jadis conjointement par Marc Trueack et Sean Timms… ce dernier ayant d'ailleurs pris une plus grande place au sein du groupe, responsable entre autres du mixage final et de la production.
Avec "In Flight", Damanek nous convie en effet à un voyage où se retrouve toute la diversité musicale qui allait si bien aux Australiens, passant allègrement de la pop symphonique au jazz, du progressif à l'AOR, le tout avec un sens poussé de la mélodie et des arrangements. Pas étonnant quand on regarde la composition du groupe et l'origine de ses différents membres, tout comme celles des différents invités : Unitopia, UPF, The Tangent, Maschine, Toxic Smile etc., tous réputés pour conjuguer le mot "diversité" de bien des manières.
Titre emblématique de ce melting-pot, 'The Crawler' nous embarque pour un méli-mélo musical où l'on retrouve du (grand) Asia avec un refrain imparable, les rythmiques et le saxophone chers à Unitopia, mais aussi une section jazzy évocatrice de The Tangent. L'éclectisme se retrouve également dans un titre comme 'Skyboat', où Damanek glisse un œil (une flûte plutôt) du côté de Jethro Tull, avant d'asséner un solo de clavier digne du grand Manfred Mann. Ceci n'empêche pas non plus le groupe de donner quelques accents bluesy à la ballade 'Moon-Catcher'.
Mais le grand œuvre assurément de cette galette réside dans 'Big Eastern', triptyque de 30 minutes où la mélancolie des saxophones de Marek Arnold se pose sur des arrangements symphoniques de toute beauté, accueillant en leur sein quelques passages orientalisants ou autres percussions et sonorités typiques du Down Under, sans dédaigner quelques incursions par un jazz teinté d'humour. Et que dire des différents thèmes servis par des mélodies aussi lumineuses que gorgées d'émotions ? Ils se dévoilent avec emphase, disparaissent en douceur pour mieux se réincarner quelques secondes, quelques minutes plus tard. Impossible de ne pas succomber à cette frénésie enchanteresse surtout quand un bon solo de Luke Machin vient nous réjouir des esgourdes déjà bien en joie.
Un dernier mot enfin pour souligner la qualité du chant de Guy Manning. Lui qui fut fréquemment pris en défaut sur ce point précis dans ses productions en solo nous démontre ici que son timbre particulier colle parfaitement à l'éclectisme des 61 minutes de "In Flight", bien soutenu de surcroît par les nombreux chœurs qui l'accompagnent.
Là où le premier album, déjà excellent, présentait quelques petits creux, "In Flight" prend l'auditeur par l'oreille dès les premières secondes de 'Ragusa', pour ne plus le lâcher, même après l'extinction des derniers feux de 'A Life in Chinatown'. Du grand art assurément. Vous avez aimé Unitopia ? Vous avez regretté sa disparition ? Vous pouvez vous réjouir : la succession est assurée !