L'éventreur musical Whitechapel laisse depuis treize ans des corps exsangues dans le sillage de ses sonorités glauques. Ses musiciens écrivent une partition sombre où se mêlent lumière et ténèbres, lyrisme et terreur, ambiances lourdes et planantes. Après six albums parfois malmenés par la critique et des changements de personnel qui n’ont pas altéré sa colonne vertébrale, la formation livre “The Valley”, une œuvre abrasive, à la texture de papier de verre. L'opus puise sa force aux origines du death, se nourrit de mélodies singulières et fait naître une pléiade d’émotions.
A mesure que la vallée se dévoile, se révèlent aussi larmes et colères. Car ‘When a Demon Defiles a Witch’ débute avec puissance même s'il propose parfois des arpèges doux. Le charme opère immédiatement. ‘Black Bear’ s'appuie sur un rythme cyclique, la voix y est monstrueuse et la mélodie hypnotique. Puis ‘Hickory Creek’ démarre sereinement alors que des cris envahissent rapidement l'espace sonore. Cette déferlante d'intensité brute et brutale fait naître les frissons d'un plaisir quasi masochiste.
S'ouvre alors une vallée où coule un fleuve calme, comme lorsque la douce introduction de ‘Brimstone’ s'élève. Quant à ‘Forgiveness Is Weakness’, il apporte une touche black traversée par une mélodie sombre qui le porte au-delà d’un simple dépotoir de haine, l'opposition entre tendresse et violence est ici captivante. ‘Doom Woods’ est conduit par une guitare sombre mais apaisée. Un plaisir sensuel attend l'auditeur au bout de ce chemin mélancolique.
Puis voici une vallée pavée d’or où les fruits du plaisir abondent : ‘Third Depth’ débute paisiblement avec une voix claire, une guitare dépouillée et une batterie sautillante qui incitent à la contemplation. Puis ‘The Other Side’ tapisse l'espace de doubles pédales brutales qui contrebalancent les riffs lents et mélodiques. Whitechapel maîtrise les oppositions, les variations, même si ces plaisirs inavoués déroutent autant qu'ils charment.
Finalement le chemin tortueux débouche sur une vallée cachée où les repères s'effacent. Comme avec ‘Lovelace’ qui bâti autour d’un riff rapide, construit un climat étouffant et un groove intense. Ou encore ‘We Are One’ qui propose une batterie groovy, même si le chant rauque parsème la piste de touches effrayantes. Ce groove chamboule les habitudes et procure un plaisir plus difficile à savourer et moins prompt à émerger.
Contrastes, groove et noirceur tel est le leitmotiv de l'opus. Parfois simple et envoûtant, parfois très violent, bourré de variations, de groove ou de guitares exubérantes, “The Valley” veut toutefois laisser de côté une identité noirâtre, oscillant entre mélodie et colère et finalement trouvant son équilibre dans des passages dépouillés. Même si l'opus ne renouvelle pas le genre, il tente de s'en évader avec honnêteté.