Depuis la mort de Chester Bennington (Linkin Park) et la mise en sommeil de Rage Against The Machine malgré des reformations épisodiques, le rapcore ou rap metal se sent un peu orphelin. Fort heureusement, des groupes sont là pour prendre la relève d'un genre ultra revendicatif et terriblement addictif. Quoi de meilleur que d'allier le flow contestataire des lignes de chant du rap à la puissance mélodique du metal ? Fever 333 fait partie intégrante de ces groupes qui prennent de plus en plus d'importance sur la scène metal notamment en signant d'emblée chez Roadrunner.
Le premier méfait du power trio se nomme "Strength in Num333ers". Son introduction est totalement chaotique avec des bruits de manifestation, de casse, de violence illustrés par le sample d'un reportage radiophonique trafiqué électroniquement qui annonce la couleur. Fever 333 ne fait pas dans la dentelle et assoit d'entrée un son brut, moderne, avec des nappes de claviers qui appuient la ferveur guitaristique de Stephen Harrison dans l'efficace 'Burn It'. Si le mur du son est déjà porté bien haut, le groupe hausse le niveau avec 'Animal' qui démarre relativement fort pour finir en apothéose rythmique.
Les titres sont relativement courts mais cela n'empêche pas le groupe de tenter des mouvements plus développés qui apportent un côté épique à son propos. Ainsi 'Prey For Me' du haut de ses cinq minutes au compteur alterne plusieurs ambiances dont une dernière qui va plus profondément vers le rapcore que le metalcore. Il faut dire que le flow de Jason Aalon Butler est terriblement efficace et épouse parfaitement la volonté du groupe d'être le porte-parole de la majorité silencieuse des Américains pour leur permettre d'exprimer leur sentiment d'injustice et d'abus de pouvoir. Le groupe est également capable de nuances avec notamment un 'Inglewood' qui calme un peu le jeu. Construit en deux parties, les premières lignes de chant se rapprochent d'un Eminem du meilleur effet dans les couplets un peu saccadés que vient contrebalancer un refrain aérien très synthétique avec des longues notes de clavier qui apportent une certaine sérénité de courte durée. Le second mouvement suit une progression plus violente, comme si ce titre était totalement schizophrène avec un chant très hardcore et une musique plus agressive.
Loin d'être une copie de Linkin Park, Fever 333 fait déjà preuve d'une belle personnalité en ne tombant pas dans la facilité de refrains ultra pop et easy listening. Le groupe explore des sonorités plus travaillées, moins faciles d'accès qui nécessitent plusieurs écoutes afin de se révéler totalement. Comment ne pas sortir totalement essorés par les méandres nébuleuses et saturées des sept minutes de 'Out Of Control' qui finit par dévoiler ses richesses après l'avoir entendu plusieurs fois ? Au milieu de ce déluge, la ballade 'Am I Here' apparaît comme un cheveu sur la soupe et sonne presque comme un exercice imposé qu'il fallait caler à un moment donné.
Au final, ce premier album de Fever 333 remplit parfaitement son rôle, celui de l'expression d'une Amérique abîmée, déchirée, en proie au sentiment d'injustice et dont le groupe se fait le porte-parole. Revendicatif, vindicatif, subversif et nuancé, "Strength In Numb333ers" est, pour un premier essai, une franche réussite.