The Picturebooks est le plus américain des groupes allemands. Son (blues) rock garage évoque de vastes étendues caillouteuses que l'on sillonne en chevauchant une puissante mécanique à deux roues, les cheveux au vent et la liberté dans les yeux. Cela pourrait être la bande-son d'un remake d'"Easy Rider". Ce sont deux bonshommes à la pilosité sauvage, duo décontracté guitare/batterie. Pas de basse mais un chant trempé dans les bayous.
Après des concerts par palettes entières, Fynn Claus Grabke et Philipp Mirtschink sont de retour avec, coincée sous leurs aisselles pleines de sueur, une cinquième rondelle. "Home is A Heartache", sa devancière, nous avait quelque peu laissés sur notre faim. Sexy certes mais manquant en définitive de poils et de couilles. Sans doute en attendions-nous trop ou autre chose, une bonne galette psyché par exemple. A sa place, c'est un desert rock un peu mou aux relents sudistes qui s'était échappé de cuisses ouvertes sur une route écrasée par un soleil de plomb.
Au moins savons-nous maintenant à quoi nous attendre. D'autant plus que nos deux lascars sont détenteurs d'une esthétique très marquée, univers aride rempli de filles gourmandes venues des nudies des années 60, qu'on a franchement envie de goûter et d'aimer. Si "The Hands Of Time" parait vouloir suivre le même chemin que ses prédécesseurs, avec leur charme mais aussi leurs (relatives) déceptions, son précieux suc finit par jaillir après de nombreux va-et-vient dans les profondeurs humides de sa rocailleuse intimité.
Passé un premier titre introductif et a cappella aux allures d'incantation chamanique, l'opus, trapu comme toujours, déroule un menu d'une belle diversité de touches et de traits, furieusement accrocheur et gorgé d'un feeling désertique qui fleure bon la pampa sauvage. Sergio Leone n'est parfois pas loin ('Rain'), et l'Amérique poisseuse du "Délivrance" de John Boorman non plus ('The Hands of Time' et sa slide chaude comme la braise).
S'ils ont la peau épaisse, tannée comme du cuir ('Howling Wolf', 'Electric Lights'), les Teutons témoignent cette fois-ci d'une sensibilité qu'on leur connaissait peu à l'image du superbe 'Like My World Explodes' que hante un harmonica déglingué et dont les lignes vocales se révèlent déchirantes. Citons aussi 'The Day The Thunder Arrives', qui s'enfonce dans les marais guidé par un piano échappé d'un honky-tonk et cette slide vicieuse. Sur 'You Can't Let Go', le duo est rejoint par la mythique Chrissie Hynde des Pretenders pour une complainte sudiste et rampante.
Avec un sens de l'épure squelettique qui n'appartient qu'à lui, The Picturebooks parvient à nous embarquer sur sa meule pour un périple à travers les Etats-Unis où le rock dans sa plus simple expression s'accouple avec un Delta blues osseux. Et puis, un album dont la pochette montre une nana qui tire la langue ne peut tout simplement pas être mauvais !