Il est bien difficile de nos jours pour les jeunes formations d'enregistrer un album. Les débutants doivent se plier à l'exercice de l'EP, sorte de petit abrégé qui sert de carte de visite à présenter aux maisons de disques assez pressées. Fabulous Sheep est également passé par cette étape mais après s'être rodés sur deux EP et avoir ouvert un concert de No One Is Innocent, les Biterrois s'apprêtent à accomplir le grand saut avec leur album éponyme.
Comme si ces années d'apprentissage avaient eu leur lot de frustrations, Fabulous Sheep laisse éclater non pas des bêlements mais sa rage qui contamine l'auditeur. Les influences du groupe sont à chercher du côté du punk (le groupe a accompagné les Sheriffs, leurs collègues languedociens sur scène), mais également post-punk et rock pur et dur. Par punk, nous n'entendons pas un accord répété jusqu'à plus soif mais une énergie volcanique qui ne vise nullement à être canalisée. 'People Around Me' et 'Suicide' se démarquent par leurs riffs de guitare dynamique qui se font parangon du son de ces Fabuleux Moutons. 'No More Sound' avec son rythme mid-tempo calme légèrement le jeu et témoigne d'un soin mélodique.
Fabulous Sheep s'exprime dans la langue anglaise. Si l'accent français est parfois audible comme sur le power rock 'Kids Are Back', légèrement marmonné sur les couplets, il ne pose aucunement problème car le charme opère, même dans ses hurlements les moins timorés ('Law Number 1', 'In This World', 'Kids Are Back'). Les paroles témoignent des réflexions d'un groupe engagé, non pas politiquement, mais comme témoin d´une époque.
En somme, Fabulous Sheep est un groupe de jeunes rockers qui a misé comme tant d'autres sur une formule rock dynamique. Mais sur les bords de l'Orb, il va falloir se méfier. Sur son premier album, Fabulous Sheep affiche un éclectisme assez stupéfiant pour son âge. Il joue d´abord aux alchimistes en incorporant une touche electro qui dote les chansons d'une menace fantomatique ('In The World', 'Black Bird'). Ensuite, nos Biterrois vont nous surprendre en créant des pièces sonores qu'ils prennent plaisir à incendier. La valse funèbre 'Hotel' au rythme faussement sécurisant dégénère en chaos sonore tout comme l´inquiétant 'Wasting Time' où les claviers sonnent comme des pistolets laser et se finit également dans un délire bruitiste à la manière de The Velvet Underground. La ballade tranquille 'Marijuana Blues' manque d'exploser sous la pression d'un son electro aussi envahissant que lubrique. Le dernier morceau 'Take Shelter' se joue encore des attentes de l'auditeur. Débutant comme un souffle atmosphérique, il se termine finalement en orgie sonore sur son final.
Fabulous Sheep, malgré son nom qui prête à sourire, est déjà bien en place. Adepte d'un power rock allié à une énergie punk, le jeune groupe tend à explorer d'autres territoires sonores en laissant dominer une touche electro de bon aloi. Mais nos héros de l'Hérault se distinguent par une exubérance et un esprit aucunement farouche pour créer et installer d'envoûtantes atmosphères sonores qu´ils se plaisent à incendier. Sur les bords de l'Orb, un futur grand groupe est né, il se nomme Fabulous Sheep.