Depuis son retour aux affaires en 2015 avec le divin "Battle Scars", Walter Trout profite de son statut de légende survivante pour enchaîner les projets et les offrandes de premier ordre. Avec "We’re All In This Together" (2017), il avait sublimé l’art du duo et le voici de retour avec un nouvel album dont le concept consiste à reprendre des titres rares du paysage blues-rock. L’idée lui est venue à l’écoute de son autoradio alors qu’un énième groupe reprenait un standard. Il lui fallait s’attaquer à des titres moins connus et les personnaliser. Voilà qui est fait avec ce "Survivor Blues" bien nommé qui déboule sur nos platines en attente.
Alors que Teddy Andreadis a remplacé Sammy Avila aux claviers, Walter Trout est toujours soutenu par sa section rythmique habituelle composée de Johnny Griparic à la basse et de Michael Leasure à la batterie. La complicité avec son groupe est totale et se ressent tout au long des 12 titres tirés dans leur grande majorité du répertoire du Chicago Blues. Le travail réalisé sur le ‘Sadie’ de Hound Dog Taylor ou la toile tissée sur le ‘Nature Disappearing’ du mentor John Mayall, sont tout simplement exceptionnels et exemplaires. Comme il est de coutume dans le milieu, le guitariste-chanteur a également fait appel à des invités de marque pour partager certains titres. C’est le cas sur le ‘Woman Don’t Lie’ de Luther Johnson où il partage le chant avec Sugaray Rayford pour un résultat à la fois puissant et groovy à souhait. Sur le ‘Going Down To The River’ de Mississippi Fred McDowell, ce n’est ni plus ni moins que Robby Krieger (The Doors) qui vient poser ses lignes de slide pour un résultat transpirant le feeling sur chaque note.
Mais s’il sait s’entourer, Walter Trout n’en reste pas moins le maître des lieux et y règne sans partage. Et si nous sommes habitués à son jeu de guitare lumineux et varié allant d’un toucher magique (‘Me, My Guitar And The Blues’ – Jimmy Dawkins) à un jeu hendrixien sur le ‘God’s Word’ de JB Lenoir qui en avait fait à l’origine un simple duo chant-guitare, son chant monte encore les échelons sur ce nouvel opus. Il peut aussi bien se faire déchirant (‘Something Inside Of Me’ d’Elmore James, ou ‘It Takes Time’ d’Otis Rush) que d’une grande délicatesse (‘Nature Disappearing’). Cette variété se retrouve à différents niveaux tout au long de cet opus qui capte l’attention de la première à la dernière note et se révèle d’une richesse sans fin. Les ambiances alternent entre les ballades à la fois déchirantes et gorgées de feeling (‘Me, My Guitar And The Blues’, Something Inside Of Me’, ‘Out Of Bad Luck’ de Magic Sam) et les rock puissants (‘Please Love Me’ de B.B King, le rageur ‘Red Sun’ de Joel Poluck, ‘It Takes Time’).
Une nouvelle fois, Walter Trout offre un album complet, varié et sans faille, capable d’impressionner les puristes par sa qualité technique et de toucher tous les auditeurs en plein cœur. Rarement un album de reprises se sera fait aussi envoûtant et indispensable. Un immense merci à cet artiste qui se révèle de plus en plus comme un merveilleux pourvoyeur d’émotions.