Si Mythopoeic Mind est un nouveau venu dans la sphère progressive, son géniteur, lui, ne l'est pas. En effet, Steinar Børve est déjà connu en tant que co-leader du groupe norvégien Panzerpappa qu'il a contribué à créer en 1997 et dont la dernière production, "Prestrottedans", date de 2016. Pour "Mythopoetry", Steinar Børve s'entoure de l'intégralité des membres de Panzerpappa et de quelques musiciens issus de Gentle Knife et Pymlico, deux autres formations norvégiennes.
Les albums de Panzerpappa, entièrement instrumentaux, pratiquent une musique à la croisée des chemins d'un RIO pas trop agressif, du jazz-rock et du Canterbury. Même si son effectif est le même, Mythopoeic Mind s'inscrit dans une toute autre veine. D'une part le groupe dispose d'un chanteur titulaire en la personne de Kjetil Laumann dont le timbre nasal s'exprime le plus souvent avec une nonchalance sympathique. Ensuite les aspects RIO et jazz-rock ont été gommés pour laisser place à une musique fortement imprégnée de Canterbury, ce rock à la fois délié et mélodique qui pratique à haute dose la distanciation et l'autodérision.
Du coup, les compositions possèdent souvent ce caractère à la fois décalé, décontracté et dynamique que l'on rencontrait sur les albums d'Hatfield And The North et Caravan. 'Prey' et 'Train of Mind' en sont les parfaits exemples, chansons déstressantes dégageant une même aura de quiétude et de sympathie. Chacune d'elle précède les deux morceaux de bravoure de l'album, aux antipodes l'un de l'autre.
Le premier de ces deux mini-epic, 'Mount Doom', est certainement le titre qui se rapproche le plus des albums de Panzerpappa. Seul instrumental de "Mythopoetry", il commence par une intro anguleuse et sombre à la King Crimson que le reste du morceau va démentir. Les différents thèmes qui s’enchaînent ensuite sans grand effort de transition vont au contraire dérouler leurs boucles mélodieuses de claviers et de guitares entrecroisés. A l'inverse, 'Sailors Disgrace' fait la part belle au chant qui ne laisse que de courts espaces aux instruments, même si ceux-ci font plus que de la figuration derrière les vocaux, et soigne ses transitions d'une belle fluidité. Si les vagues d'orgue Hammond du début évoquent Van der Graaf Generator, le break de synthé rappelle plutôt ELP, mais on croise également en chemin King Crimson et Caravan, le tout cohabitant en parfaite harmonie dans un très beau titre.
Débutant par un lever de soleil ('Prologue Song') et terminant sur une note crépusculaire ('Epilogue Song'), "Mythopoetry" est un véritable plaisir régressif à déguster sans modération.