C'est plus fort qu'eux : les doomeux ont bien souvent le genre chevillé au corps. Raison pour laquelle ils ne peuvent généralement se contenter d'un seul groupe pour épancher leur soif de mélancolie, pour endiguer ce besoin d'exprimer un désespoir qui paraît intarissable. De fait, ces musiciens ne cessent de se croiser au sein de projets plus ou moins parallèles et plus ou moins éphémères.
Entre deux albums d'Ophis, les guitaristes Philipp Kruppa et Simon Schorneck ont trouvé le temps de former Voidhaven avec des membres du plus confidentiel Crimson Swan, dans lequel jouait d'ailleurs le second. Publié par Solitude Productions, cet EP éponyme scelle la naissance de cette formation dont l'avenir nous dira si elle dépassera le stade du one shot, bien maigre qui plus est ! Dix-huit minutes, c'est donc peu mais, eu égard au métier de ses deux principaux géniteurs et une sincérité qui ne saurait leur être contestée, soyez-en sûr, ces deux plaintes sont taillées dans le doom (death) le plus pur, le plus douloureux.
Comparé à leur principal port d'attache, Kruppar et Schorneck sculptent avec Voidhaven un art plus triste sinon éthéré que funéraire. Le chant clair, sublime et irradiant de beauté, n'est pas le moindre des arcs-boutants de cette cathédrale dont l'architecture immense semble vouloir abriter tous les malheurs de la terre. Comment ainsi ne pas être ému jusqu'au plus profond de notre âme, jusque dans notre chair, en s'abîmant dans les bras à la fois majestueux et granitiques de 'The Floating Grave', monument d'émotions qu'un organe caverneux et de lourdes perforations dans la roche viennent toutefois enténébrer.
En neuf minutes, la messe est dite, assurant au groupe une place privilégiée dans notre cœur de pénitents. Ce sont des traits plus funèbres et plus lourds que 'Beyond The Bound Of Sleep' affiche en revanche, pesante descente spéléologique qu'un chant lumineux réchauffe parfois d'un halo vespéral sans pour autant avorter une inexorable trajectoire à travers les cavités abyssales d'une humanité endeuillée ni diluer une noirceur charbonneuse.
En cela, Voidhaven s'inscrit dans la longue tradition allemande et hollandaise d'un doom d'une belle pureté de traits, pétrifié et bouleversant tout ensemble.