Ce groupe anglais est un cas particulier. Peu connu, il a pourtant toute sa place dans l’histoire du progressif, et surtout, mérite une reconnaissance bien plus grande que celle qu’on veut bien lui accorder.
Arrivé à la fin des années 70, alors que le punk renverse une partie de l’establishment musical, les Cardiacs commencent à créer leur propre univers sonore, mélange improbable d’énergie « punk », de complexité « progressif » et de rythmes « ska » (dus au saxophone de Sarah Smith). Mais il faut attendre 1988 pour que sorte leur premier véritable album (autoproduit, personne n’en veut). Après ça, le groupe sortira d’autres albums plus ou moins bons (les deux premiers sont souvent considérés comme les meilleurs mais sont difficilement trouvables) dans une sorte d’indifférence générale mais toujours suivi par un public de fidèles. En 1996 sort « Sing to God », un album ambitieux (prétentieux diront certains, « progressif » diront d’autres) qui peut constituer une bonne introduction pour s’initier à l’univers décalé des Cardiacs.
Maintenant arrive le moment délicat de décrire la musique. Imaginez Frank Zappa tapant un « bœuf » avec les Pixies et Gentle Giant. Imaginez les Stranglers, rencontrant les Résidents et Mr Bungle. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les Cardiacs c’est un peu tout ça mais aussi tellement plus. Emmené par Tim Smith qui chante comme un possédé, joue de la guitare et des claviers, secondé par une équipe de choc dont les visages ornent fièrement la pochette de l’album (on dirait des psychopathes échappés d’un asile) ; il y a aussi des arrangements orchestraux et Sarah Smith qui avait quitté le groupe revient au saxophone, bref, « Sing to God » est un petit bijou rempli jusqu’à la gueule d’une musique furieuse, complexe et d’une originalité rarement égalée.
Difficile d’en extraire un morceau, ils sont tous excellents mais « Dog Like Sparky » pour ses accélérations et « Fiery Gun Hand » pour sa rythmique soutenue me paraissent particulièrement réussis. On peut également citer « Dirty Boy » pour son final rappelant le Devin Townsend d’ « Infinity » par cette façon de remplir entièrement l’espace sonore ou encore « Nurses Whispering Verses », le morceau le plus long et le plus expérimental de l’album, mais qui possède une des plus belles structures musicales qu’il m’ait été donné d’entendre.
Il est clair que les Cardiacs (qui portent décidément bien leur nom) ne jouent pas une musique destinée à un large public, par contre, nombre de formations bien plus connues comme Mr Bungle ou encore Oceansize n’ont jamais caché leur admiration pour ce groupe atypique et, osons le mot, plutôt génial dans son genre.
J’encourage donc les esprits aventureux à découvrir les Cardiacs et à laisser leur pacemaker de côté.