Bien qu'assez discret, surtout ces dernières années, Pale Divine n'en reste pas moins un des piliers du doom US, celui qui coule ses fondations dans le heavy metal des familles, en digne héritier, aux côtés de Penance, Pentagram, Trouble, Saint Vitus et consorts. En cet automne 2018, le trio (désormais augmenté d'un second guitariste en la personne de Dana Ortt de Beelzefuzz), livre sa cinquième enclume, après plus de vingt ans de carrière ! Celle-ci porte tout simplement son nom.
Généralement, quand une formation déjà établie baptise d'un titre éponyme un de ses albums, c'est pour signifier une sorte de nouveau départ après une période de remous ou d'incertitudes. Rien de tout cela chez les Américains si ce n'est le long tunnel qui sépare cet opus de son prédécesseur, ce "Painted Windows Black" (2012) que d'aucuns tiennent, à juste raison, pour leur effort le plus abouti. De fait, il faut peut-être davantage voir dans ce choix une manière de signature en même temps qu'une déclaration de foi. Le groupe s'y dévoile tel qu'en lui-même. "Pale Divine" synthétise l'identité de ses géniteurs et donne une définition de ce qu'est le doom dans son approche la plus pure, vierge de tout kyste étranger, imperméable à toute évolution.
Avec humilité et sincérité, le combo récite le credo sabbathien, à la fois efficace et englué dans un sol rocailleux ('So Low'). Comme Gaz Jennings (Cathedral), on peut voir en Greg Diener le fils spirituel de Tony Iommi, lequel décoche riffs d'airain et soli beaux à pleurer. De son manche encroûté par le désespoir s'écoule un nectar émotionnel, témoin ce 'Ship Of Fools' dont le dernier segment épouse la forme d'une majestueuse échappée instrumentale. Cette pureté se note également au sujet des lignes vocales du même Diener, qui brillent d'une clarté solennelle ('Bleeding Soul').
"Pale Divine", l'album comme le groupe, tire sa force de son admirable classicisme à l'origine de compositions épurées et dont on sent qu'elles se dirigent vers une issue inexorable tout en évitant les chemins tortueux. Ce qui ne les empêche pas de suivre parfois une longue route à l'image de 'Shades Of Blue' qui étire sur plus de huit minutes sa noirceur rampante. Mais jamais misérables ou accablés, les Ricains n'oublient pas leurs racines heavy qui leur assurent une accroche à la fois directe et pesante et leur permet de serrer leur propos dans un format trapu. Le gigantesque 'Spining Wheel' et son mur en béton armé, 'Chemical Decline' ou bien encore 'Curse The Shadows' soulignent ce caractère aussi implacable qu'imparable.
(Trop) classique peut-être, "Pale Divine' n'en prend pas moins des allures de leçon, dictée avec la maîtrise tranquille et robuste de musiciens investis d'une mission civilisatrice et rédemptrice, prosélytes appliqués d'un dogme éternel.