Si le temps où Evanescence charmait les ondes paraît désormais révolu - même si son récent "Synthesis" s'est révélé plutôt enthousiasmant -, son influence demeure prégnante. Et on ne compte plus les groupes qui se réclament, avec plus ou moins de bonheur, de "Fallen" et "The Open Door". L'ombre d’Amy Lee couvrant sa carrière lancée en 2010, Forever Still n'est pas qu'un de ceux-ci car il domine franchement la concurrence et ce, grâce à un seul album, le premier, baptisé "Tied Down" que Nuclear Blast a eu le nez creux de diffuser.
Mais qu'est-ce que ces jeunes Danois ont de plus que les autres ? Sa chanteuse, Maja Shining pour commencer, dont la voix évoque certes sa grande sœur américaine mais qui n'hésite jamais à sortir les griffes. La musique du combo est à l'avenant, bourrée jusqu'à la gueule de testostérone, à côté de laquelle les chansons d'Evanescence paraissent s'adresser à des maternelles. Dans cette (relative) agressivité réside la différence entre Forever Still et les simples suiveurs. Sans oublier un songwriting mordant dont l'efficacité explique pourquoi il peut séduire un public plus large que celui constitué des seuls teenagers convaincus que l'alternative metal est un parangon sonore.
Trois ans après son galop d'essai, le quatuor affirme avec "Breathe In Colours" son statut de chef de file d'une génération. En valorisant la chanteuse sur sa pochette, comme "Fallen" l'avait d'ailleurs fait en son temps, ce deuxième album souligne la place prépondérante qu'occupe Marja au sein de la formation dont elle est l'évidente figure de proue. Le regard et les oreilles sont braqués sur elle, à juste titre car sa performance ne saurait susciter la moindre réserve. Puissante et magnétique, la jeune femme ferre l'auditeur, capable de mordre ('Fight !') ou de se lover en ondulant avec tendresse, témoin l'émouvante respiration 'Is It Gone ?' qu'on croirait écrite par Evanescence. Ce n'est pas grave.
Alors que ce patronage devrait être embarrassant, Forever Still fait preuve d'une telle habileté doublée d'une force pesante ('Rewind') qu'on lui pardonne bien volontiers cette influence grosse comme un câble à haute tension. Car, à l'image de son prédécesseur, "Breathe In Colours" arme ses mélodies racées d'une pugnacité redoutable, qui s'incarne autant dans la voix parfois appuyée de Maja ('Survive', 'Pieces') que dans le jeu de ses partenaires ('Rising Over You') qui sont très loin de jouer les utilités, tel ce batteur volubile qui imprime une énergie ravageuse à des compos aux allures d'obus, à la fois sucrées et aiguisées, tentatrices et mortelles.
En découle un album imparable qui au final fait mieux que calquer Evanescence car il enrobe son gothic metal fardé de chant féminin d'un fuselage hargneux et surpuissant.