Beaucoup de groupes ont connu à un moment donné de leur carrière un succès, un titre qui a fait la différence. Très peu ont réussi à rééditer cet exploit. Après un tube, la question qui se pose alors est de savoir comment faire après pour se concentrer à nouveau et ne pas se laisser submerger par cette reconnaissance tout en se mettant une pression la plus juste possible pour tenter une nouvelle prouesse. Telle est la question qui est certainement venue à l'esprit du groupe canadien The Strumbellas lorsqu'il a fallu s'atteler à la composition de "Rattlesnake" après le hit 'Spirits' paru sur le précédent album "Hope" en 2016
Il faut dire que l'exposition qu'a reçu ce titre à l'époque en a surpris plus d'un, à commencer par le groupe lui-même qui attendait cela depuis sa formation en 2008. Et si la solution était celle de ne pas avoir justement de recette toute faite, voire de ne pas rechercher absolument à écrire "le titre phare" mais simplement de garder son intégrité, sa façon de travailler et de laisser le public décider ? C'est probablement dans cet esprit que Simon Ward et sa bande sont repartis la fleur au fusil, enorgueillis par le retentissement de 'Spirits', pour se lancer dans l'écriture du nouvel album.
Le groupe propose depuis son origine un savant mélange de folk, rock et country qui fleure bon les grands espaces canadiens - quoi de plus normal pour un groupe formé dans la ville natale de Neil Young. Autant le dire tout de suite, avec ce nouvel album, The Strumbellas va s'ouvrir à d'autres horizons plus pop qui vont égayer l'ambiance par rapport aux précédents albums plus mélancoliques. Cela se confirme d'entrée avec 'Salvation' à la mélodie totalement addictive à l'image de son refrain qui conserve tout de même un ancrage country avec son accompagnement à la guitare sèche. Les Canadiens densifient ainsi leur musique grâce aux nombreuses nappes chatoyantes de claviers (David Ritter) qui portent littéralement certains morceaux comme 'I'll Wait' magnifié par le refrain choral et l'intervention d'un violon mutin.
Même si le groupe ouvre son champ des possibles, il n'en oublie pas pour autant le fan du premier jour qui retrouve avec plaisir les atmosphères naturelles du groupe avec cet esprit country rock qui émaille 'One Hand Up'. Cet album est un médicament contre la tristesse et donne la banane. Il faut dire que Simon Ward chante avec conviction et qu'il est suivi au diapason par les cinq autres membres du groupe, ce qui donne une belle impression de cohésion, manifeste dans l'enjoué 'Running Scared (Desert Song)' à l'équilibre bien pensé où chacun des musiciens peut s'exprimer en seulement quatre minutes. Le titre contient quelques petites notes de cuivre et de cordes qui ajoutent à ce sentiment que les membres sont heureux d'être ensemble.
Cependant, "The Rattlesnake" n'est pas seulement que joie, il est aussi nuancé avec la jolie mélancolie que portent des morceaux tels que 'We Were Young', qui pose un regard rétrospectif d'un quadragénaire sur sa vie et sur sa nostalgie de l'enfance, ou 'The Party', un des sommets de l'album avec sa belle mélodie acoustique et ses chœurs qui apportent beaucoup de relief.
Au final, on ne saura pas encore si un des titres de l'album aura le même succès public que 'Spirits' mais on peut dire d'ores et déjà que "Rattlesnake" est un petit joyau rock, folk, country et pop aux mélodies imparables, précises, bien écrites et interprétées, addictives et d'une fraîcheur presque candide qui fait du bien. N'hésitez pas à vous faire mordre par ce serpent à sonnette dont le venin musical n'en finira plus de vous enivrer.