C’est au sein de sa confrérie pentecôtiste que Robert Randolph s’accoquine avec la pedal steel, une guitare posée horizontalement avec un système de pédales pour modifier la tonalité que l’on pratique avec un onglet et une barre en acier. Il en devient un des plus fameux pratiquants au point d’être repéré par Eric Clapton et d’entrer dans la liste des 100 plus grands guitaristes de tous les temps dressée par le magazine Rolling Stone. C’est au sein de sa tribu la Family Band que Robert Randolph s’exprime depuis 2002 et "Brighter Days" est leur sixième album.
La guitare steel est bien plus qu’un instrument de musique dans certaines branches évangéliques. A partir des années 30 elle remplace l’orgue et ce simple dobro joué à plat prend une dimension presque cultuelle d’où émergera l’art musical baptisé Sacred Steel. Le Sacred Steel cristallise un esprit lumineux, chantant et confraternel que l’on retrouve dans l’album de Robert Randolph. "Brighter Days" quintessencie cette alliance par une musique aux racines évidemment blues à la laquelle s’ajoute une communion de voix toute gospel. Robert Randolph and the Family Band entretiennent une tradition musicale ancrée dans une conscience populaire sans tomber dans le passéisme ou le poncif et s’expriment dans une grande diversité d’approches et de quelques touches de modernité qui font voguer cet album entre différents styles.
Le début du disque s’écoute comme un noyau dur de compositions blues et gospel dont l’esprit reste tourné vers le transcendant avec le moite et reptilien ‘Simple Man’, ‘Have Mercy’ à l’intensité soul admirable, le très entraînant ‘Don’t Fight It’ aux hurlements de pedal steel ou le hard-blues ‘Cut Em Loose’ dont les motifs répétitifs provoquent l’exaltation. La suite de "Brighter Days" voit Robert et sa bande insuffler une dimension sécularisée à leurs chansons en jouant sur les accents pop, rock et variété. Cette seconde partie de disque n’est pas moins réussie que la première avec le superbe mid-tempo pop ‘Cry Over Me’ hanté par les voix féminines, un crooner ‘I Need You’ et les dynamiques ‘I’m Living Off The Love You Give’ et ‘Strange Train’ à l’esprit rock assumé.
Nul besoin d’être un converti au blues et gospel pour adhérer à "Brighter Days" car il saura fédérer le plus grand nombre grâce à sa variété et la qualité de ses compositions. Les riches contributions des musiciens et des chœurs lui confèrent son énergie, sa positivité revigorante et son âme. C’est aussi un disque original de par les sonorités inhabituelles de la pedal steel, dont Robert Randolph fait une utilisation virtuose mais accessible aussi bien rythmique que soliste. Rarement un album aura si bien porté son nom.