Associé un temps à Southern Lord Records, ce qui a contribué en partie à cultiver son aura culte, Martyrdöd a finalement succombé aux sirènes qu'un label plus costaud encore pouvait lui promettre, en l'occurrence le puissant Century Media. Cette alliance signifie-t-elle pour autant que ces Suédois énervés se sont assagis, ont mis de l'eau dans leur vin (de messe) ? Leur septième effort, baptisé "Hexhammaren", devrait répondre à cette question.
Que Fredrik Nordström, gourou de la scène extrême scandinave que l'on ne présente plus, l'ait produit dans l'enceinte des Studios Fredman pouvait laisser craindre, sinon le pire du moins un excès mélodique, à ceux qui suivent depuis longtemps la trajectoire de cette figure du death crust suédois (pléonasme). Craintes confirmées par certains riffs, par certains plans que ne renieraient pas les In Flames et autre Dark Tranquillity de l'âge d'or, témoin un 'Nästa Syrien' dont l'élan guilleret demeure - heureusement - contrebalancé par des vocalises lessivées au Destop.
Mais, outre le fait que ce n'est pas la première fois qu'il collabore avec Nordström, qui lui a donné un son puissant mais bien sale, Martyrdöd ne fait en définitive que se rapprocher de la référence du genre, At The Gates, dont il est un peu le dauphin. De fait, et en dépit d'accroches un peu faciles car marquées par le mélo death de Göteborg donc ('Den Sista Triden'), le groupe n'a rien perdu de sa hargne et encore moins de son énergie brutale, qui trouve dans la voix hurlée du guitariste Mickael Kjellman, digne d'une sulfateuse, son principal combustible, celui qui l'arrime (encore) à la violence épileptique du hardcore. Il faut l'entendre dégueuler ses boyaux comme si demain ne devait plus exister avec une folie survoltée ('Hexhammaren'). Et lorsqu'il s'accouple à des guitares accordées plus bas que terre, dans la funèbre tradition du (vrai) death suédois, ce sont les tombes qui s'ouvrent pour libérer le pus sinistre de la mort et une armée de zombies à l'image du terminal et fétide 'Sthlm Syndrom' qui éclabousse de sang les parois de la crypte dans laquelle il semble avoir été gravé.
En réalité, Martydöd trouve le juste milieu entre âpreté cendreuse et envolée solaire, entre rage frénétique et beauté rampante, témoin ce 'Rännilar' aux allures de rouleau-compresseur qui terrasse le sol duquel émanent des remugles émotionnels et dont l'alliage d'un chant furieux et de lignes de guitare souillées de mélodies forme le robuste ciment. Cette combinaison lui inspire des crachats toujours très courts, titres nerveux, tendus comme une hampe prête à exploser en une éruption de fiel. Tout est plié en deux ou trois minutes, rarement davantage, cadre étriqué qui n'interdit pas aux Scandinaves de serrer parfois le frein à main, écartant alors dans la terre un cratère béant comme des lèvres obscures ('Bait And Swith').
Malgré les concessions mélodiques qu'il s'autorise, Martydöd demeure ce fauve indomptable prédateur d'un monde souterrain, car sous le vernis d'un death plus accrocheur qu'épidermique galope toujours cette urgence rageuse et massive, accouchant avec "Hexhammaren" de son album le plus accessible sans compromission ni reniement.