Belzebubs, voilà un nom à faire hurler tous les Ayatollahs de l'art noir ! Car un groupe qui, pour son esthétique et ses clips, s'inspire d'une bande dessinée (que signe JP Ahonen) ne peut être que voué aux gémonies par tous ceux pour qui le black metal reste avant tout une question de valeur sinon d'authenticité voire de pureté.
Pourtant, une fois mis de côté cet attirail visuel de prime abord, il est vrai, assez peu soluble dans la cruauté sinistre propre au genre, force est de reconnaître qu'outre le fait qu'elle maîtrise totalement son sujet, cette énigmatique formation ne rigole pas vraiment lorsqu'il s'agit de sculpter dans la nuit de ténébreuses atmosphères, de dresser avec une emphase bourgeonnante la cathédrale crépusculaire à l'intérieur de laquelle se répand "Pantheon Of The Nightside Gods", premier album préparé l'an passé par le single 'Blackened Call', qui s'est glissé dans ce menu pantagruélique de plus de 60 minutes.
Si l'identité de ses membres demeure un mystère, le fait que Belzebubs ait vu la nuit en Finlande fournit un indice précieux quant à la teneur du matériau qu'il façonne. Mélodiques et aiguisées seront donc ses compositions pourvues d'atours presque folk et sautillants que ne renierait pas l'école Finntroll ('The Faustian Alchemist'). Finlandais de sol peut-être, le groupe n'en plonge par moments pas moins dans le fjord grandiloquent du black sympho norvégien des années 90, celui de Dimmu Borgir dont l'ombre puissante fait plus que planer sur l'inaugural 'Cathedrals Of Mourning'. Grésillantes, les guitares qui ouvrent 'Nam Gloria Lucifer' se couvrent d'une croûte quasi burzumienne, néanmoins rapidement balayée par de lumineuses envolées qui trahissent ce primat mélodique régnant tout du long.
Malgré son titre très emperorien, "Pantheon Of The Nightside Gods" s'affranchit des codes du pur black metal pour butiner d'autres genres, du death mélo au progressif, comme en témoigne le très beau 'The Crowned Daughters' qui irradie d'une sémillante beauté avec son chant clair et ses limpides lignes de six-cordes. Enchaîné au foisonnant 'Dark Mother' et ses dix sombres minutes au garrot, nous tenons là une sorte de monumental diptyque qui résume à lui seul la démarche du combo masqué, mêlant virtuosité emphatique et émotion cristalline dans les ruines d'un édifice mangé par les ténèbres et dans les entrailles duquel résonnent des accents cinématiques.
Même s'il ne produit pas du vrai black metal pour les puristes auxquels il ne s'adresse de toute façon pas, Belzebubs mérite mieux que l'artifice commercial qu'il déballe, auteur d'un galop d'essai aussi dominateur que fédérateur dont on peut chercher longtemps la moindre faiblesse.