Nul n'est censé ignorer que Sabaton a fait de son fonds de commerce musical le thème des grands conflits qui ont endeuillé l'histoire. Si parfois ce genre de démarche s'entoure de critiques sur la sincérité ou le sérieux du projet ou pour souligner son aspect mercantile, il ne fait aucun doute que cela ne touche pas les Suédois tant ceux ci mettent du cœur dans leur œuvre. Au fil de sa discographie qui a nécessité énormément de recherches pour lui donner du sens, Sabaton a démontré que ses membres sont des vrais passionnés d'Histoire et que le groupe participe, à son niveau, au devoir de mémoire nécessaire pour ne pas oublier.
Rétrospectivement, 2018 marque le centenaire de la fin du premier conflit mondial de l'ère moderne que l'on nomma "La Grande Guerre". Le 11 novembre 1918, 5h15, l'armistice est signé avec dans son sillage le triste et terrifiant constat que ce conflit a fait 18,6 millions de morts et bien plus de victimes collatérales. La date symbolique du 11 novembre (2018) coïncide avec celle où Sabaton commence l'écriture de son nouvel album qui aura pour thématique la première guerre mondiale. Si ce n'est pas la première fois que le groupe aborde la grande guerre, cette fois, c'est un disque entier qui lui est consacré, allant jusqu'à même promouvoir le projet à Verdun même, au milieu des tranchées, au plus près des lieux de la bataille, au cours d'une journée réunissant le groupe, les journalistes et historiens.
La force de Sabaton est d'avoir une approche musicale très imagée qui témoigne de l'âpreté, de l'oppression des combats tout en lui insufflant un côté épique. Ainsi l'auditeur se prend à la figure la grandiloquence et l'arrogance du Baron Rouge ('The Red Baron') avec son introduction à l'orgue Hammond épousant une composition de Bach mais aussi l'angoisse des tranchées avec le chant inquiétant et théâtral de Joaquim ('A Ghost In The Trenchess'). Sabaton ajoute des chœurs imposants qui augmentent ce relief épique notamment dans l'irrésistible 'Devil Dogs' avec son solo qui amplifie le tout. Le matraquage rythmique accentue cette immersion guerrière à l'image d'un orage d'obus tombant du ciel, rendant le tout irrespirable.
Si l'auditeur reste en terrain connu, le combo suédois sait entretenir une progression constante d'album en album pour poursuivre la conquête d'une plénitude artistique. Cela passe par des petites touches que l'on soupçonnait dans les précédents disques et qui apparaissent ici beaucoup plus marquées ou assumées, notamment par un côté symphonique ultra développé dans 'The End Of The War To Ends All Wars' et surtout dans 'Great War', morceau d'anthologie à l'atmosphère d'hymne puissant et galvanisant, ou par l'ambiance très eighties glam rock de '82 nd All The Way '. Le groupe enfin apporte une pointe d'émotion supplémentaire avec 'In Flanders Fields' interprété a cappella par une chorale qui prend aux tripes après ce déluges de notes, de violences, de riffs aussi tranchants que les barbelés des champs de bataille.
Avec "The Great War", Sabaton poursuit son œuvre avec sincérité et continue sa progression en allant plus loin dans ce qu'il sait faire. Plus que dans les précédents albums, celui-ci oppresse, il constitue la bande sonore des images de cette époque passée, qui nous parviennent dans les différents documentaires avec cette idée encore plus terrifiante que l'Histoire n'est que balbutiement et répétition tant la paix est un équilibre fragile.