Si l'Islande est bien connue pour ses attraits touristiques pittoresques, entre ses fjords, ses champs de lave et ses glaciers, ou de façon plus anecdotique pour son volcan au nom imprononçable, l'Eyjafjallajökull, qui défraya la chronique en 2010 et servit de prétexte à un film sympathique avec Dany Boon et Valérie Bonneton, elle est moins renommée pour sa scène rock. Pourtant, le pays, malgré son nombre d'habitants atteignant à peine celui d'une ville comme Nice, ne manque pas d'artistes, les plus célèbres étant l'inclassable Björk et les non moins originaux Sigur Rós. Un peu comme si les conditions de vie si particulières à cette île ne pouvaient qu'engendrer des artistes hors norme.
Malgré son patronyme anglo-saxon, Lucy In Blue est bien un nouveau représentant islandais, il suffit de jeter un œil au nom des musiciens qui le composent pour s'en convaincre. Formé en 2013, le groupe sort un premier album éponyme en 2016 et se gagne un public fidèle en écumant les scènes locales. Il revient cette année avec un deuxième disque, "In Flight", dont la pochette noire, blanche et bleu nuit évoque à n'en pas douter son île natale.
Le titre de l'album annonce la couleur car Lucy In Blue va nous régaler d'une musique aérienne, spatiale… planante comme on disait dans les années 70, une période à laquelle la musique des Islandais se raccroche assurément. 'Alight' scindé en deux parties et qui ouvre le disque nous plonge immédiatement dans un progressif psychédélique évoquant le Pink Floyd de la première époque, celle qui va de "The Piper at The Gates of Dawn" à "The Dark Side of the Moon". Le chant est vaporeux et les claviers qui s'étirent en nappes spatiales nous immergent dans une atmosphère digne de 'Astronomy Domine' ou 'Set the Controls for the Heart of the Sun'.
Le clin d'œil au Floyd psychédélique se niche dans le moindre détail, comme ces deux accords qui ouvrent et ferment l'album, identiques à ceux qui débutent et terminent le titre 'Breathe' sur "The Dark Side of the Moon". Ou encore dans la lente et mélancolique mélodie qui s'élève voluptueusement dans les aigus sur 'Núverandi', qu'on croirait sortie de "Atom Heart Mother/Meddle", voire "More" pour le côté hippie halluciné des longues notes montantes et descendantes des claviers.
Mais Lucy In Blue est loin d'être un simple clone du Flamant Rose. S'il en évoque les meilleurs moments, il n'en garde pas moins une personnalité qui lui est propre, sachant prendre ses distances avec son prestigieux modèle à de nombreuses reprises ('Alight part 2', 'Matricide', 'Tempest') quand ce n'est pas pour aller puiser son inspiration dans le Canterbury des origines comme sur 'Respire' où tout, le rythme, les claviers, le chant, la mélodie, nous emmène du côté des premiers albums de Caravan, ou au début de 'In Flight' dont le côté contemplatif et rêveur nous fait nager dans un océan de nuages roses, avec un côté très hippie dans la mélodie désarmante de naïve (mais pas mièvre) gentillesse.
Pour qui aime le prog psychédélique, il sera bien difficile de trouver un défaut à cet album : les mélodies sont exquises, les musiciens impeccables et la prise de son, claire et précise, nous évite la fausse nostalgie du rendu parfois brouillon des disques du début des années 70. Avec ce deuxième album, Lucy In Blue fait plus que confirmer son potentiel : l'Islande vient de nous dévoiler une autre de ses merveilles.